Les illusions perdues
Antoine Rault livre une fresque chorale sur la génération X, entre idéaux et soif de pouvoir.
Le jeu de mots s’impose : dérouler le fil d’aussi grandes ambitions est un projet littéraire pour le moins… ambitieux. Armé d’une moulinette satirique où tout passe, l’auteur de La Danse des vivants prévient : « Tous les personnages de ce roman sont inspirés de personnes réelles », avant d’ajouter, prudent : « mais tous sont imaginaires ».
Bref, la ressemblance de certains avec des personnalités publiques ne pourra échapper au lecteur. Une étudiante boursière dans un prestigieux lycée parisien, Sonia, échappant de peu à un mariage forcé, se fait la confidente de la fille d’un ogre d’extrême droite, et embrasse en même temps qu’elle une carrière politique. Thomas regrette sa province natale. Ce lecteur introverti comprend mal cette jeunesse dorée qu’il côtoie. Plus loin, un aspirant écrivain épouse sa prof de théâtre… Par ailleurs, certaines exogamies ambitieuses réussissent. Montrant un idéal républicain qui connaît ses limites, De grandes ambitions est une fresque générationnelle des années 1980 à 2000 non dépourvue de bons sentiments. Le charismatique Marc fabrique de faux décodeurs Canal +, avant de rentrer dans les services secrets et de saisir le boom d’Internet. Aux yeux de la haute, il reste un parvenu. Mais l’esprit de revanche n’est qu’un sentiment parmi d’autres exprimé sous cette plume emphatique, où tendresse et ironie ne sont jamais très loin. Dépassant les clichés à craindre, ces personnages aux gros ego séduisent en ce qu’ils nous ressemblent. Tour à tour, ils forcent l’admiration, la détestation, mais ne laissent jamais indifférents.