(IM)POSTURE DE L’ENGAGEMENT
Les avis sont partagés sur la fresque politique d’Alice Zeniter. Portrait saisissant de la gauche française divisée ou pensum qui se prend trop au sérieux, à vous de juger.
LE TABLEAU VIVANT D’UNE ÉPOQUE
Voilà dix ans qu’elle s’est révélée littérairement. Publié en mars 2010, Jusque dans nos bras était un roman de politique et d’amour sur la France des années Sarkozy. Depuis, l’auteure a nourri une oeuvre qui a abordé différents espaces, à différents moments des xxe et xxie siècles, montant toujours en puissance. C’est à cette aune qu’on appréciera son dernier livre,
Comme un empire dans un empire, qui constitue une nouvelle porte d’entrée possible dans le travail d’Alice Zeniter, déjà récompensée par plusieurs grands prix.
Le roman met en scène deux personnages. Antoine, originaire de Bretagne, issu d’un milieu modeste et devenu attaché parlementaire d’un député socialiste en 2011. Six ans plus tard, il est tel le parti qui l’emploie : ses vérités de toujours tanguent, prises dans les mutations des générations et des paradigmes. L’autre protagoniste, elle, est bien plus sombre, et représente une autre forme de mutation : L. Cette initiale, c’est tout ce que l’on saura de son prénom. Elle appartient à la première génération Internet, celle des modems 56k, mais aussi des premiers hackers. Proche d’Anonymous, elle a vu certaines personnes de son entourage se faire arrêter, à commencer par son amant, Elias.
L. est du monde « du dedans », des écrans, des réseaux. Lui veut rester dehors, rencontrer les gens, les manifestants, faire de la politique concrète. Elle doit se faire discrète, voire absente. Il veut marquer les esprits. Pour cela, il va avoir besoin de L. et de ses connaissances, lui qui travaille sur un projet de loi sur la cyberdéfense. Le rapprochement est inévitable. Chacun se désire, chacun se défend, chacun est une citadelle, mais ils vont finir par se trouver. C’est ici l’un des premiers mérites de Zeniter : une progression qui va piano, mais qui s’achève en de grands mouvements. La narration est fluide, à même d’épouser la vie de ses personnages, leur contexte, de dépeindre clairement les mutations économiques et idéologiques, ce qui est particulier comme ce qui est universel (les idées, la politique, les grandes causes). Comme un empire dans un empire est le tableau vivant d’une époque. Un roman qui raconte et qui témoigne.