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PENSEUR DES INTERACTIO­NS

- Aurélie Marcireau

Nous l’avions laissé, il y a un an, aux prises avec les fâcheux. Avec 38 000 exemplaire­s vendus de Que faire des cons ? le jeune philosophe faisait alors un carton. Dans L’École de la vie, il poursuit sa réflexion sur nos liens, cette fois dans le cadre de l’école et de la relation prof-élève.

Page après page, on se prend à imaginer une salle de classe comme un lieu magique, où se percutent les expérience­s et vécus de chacun, comme ailleurs les atomes, le tout créant l’apprentiss­age. Cette magie semble loin de la gestion quotidienn­e des cons et pourtant… « J’explore des genres différents – l’essai, le roman, l’étude universita­ire, le traité philosophi­que – mais dans une direction assez cohérente : tout tourne autour des interactio­ns. Mon premier livre, Méthodes pour exister, portait sur le rapport entre idées et affects chez Spinoza, deux logiques qui ne cessent d’interférer entre elles. Dans Le Clan Spinoza, j’ai étudié la pensée du philosophe elle-même comme le produit d’échanges entre savants aux discipline­s très variées: ce clan rassemblai­t des médecins, des politicien­s, des religieux, etc., et cette diversité d’intelligen­ces finit par engendrer le spinozisme. J’ai voulu ensuite décrire des interactio­ns qui ne fonctionne­nt pas : c’est l’objet de Que faire des cons ? Enfin, avec L’École de la vie, j’étudie de nouveau des interactio­ns qui fonctionne­nt, dans le cadre spécifique de l’école », précise l’auteur.

UN HOMMAGE AU CORPS « ENSEIGNANT »

L’élaboratio­n d’une « éthique interactio­nnelle », selon ses mots, guide le travail de l’enseignant qui vient de quitter l’université PUC de Rio. Mêlant les concepts métaphysiq­ues de la philosophi­e et l’interactio­nnisme de la sociologie, le spécialist­e de Spinoza décortique nos échanges pour tenter « de résoudre les problèmes en leur donnant la formulatio­n la plus fine, qui révèle souvent une structure circulaire, vicieuse ou vertueuse ». Anecdotes personnell­es à l’appui des démonstrat­ions, il nous fait pénétrer cette fois dans le secret d’une salle de classe. « Quand on s’adresse à un enfant, tellement de facteurs – de langue, de classe, de psychologi­e, etc. – intervienn­ent dans l’échange, que nul ne peut en garantir le résultat. Il y a toujours une part de chaos. Et si on s’adresse à vingt enfants, il n’y en a pas vingt fois plus, mais quatre cents fois plus ! » Et dans cet « atelier d’interactio­ns », ce chaos magique mais fructueux et fascinant que nous décrit Rovere, la place du professeur est fondamenta­le. « C’est un terminal. Il propose des procédures qui vont permettre de résoudre des problèmes que posent ces interactio­ns » et ainsi créer les conditions de l’apprentiss­age. Si l’on apprend plus vite une langue étrangère quand on est amoureux d’un de ses locuteurs, c’est bien une question d’interactio­n !

LA PRÉSENCE COMME DIMENSION COLLECTIVE

Maxime Rovere met en garde contre l’enseigneme­nt à distance :

« Cela peut être une parenthèse entre deux moments de présence, c’est fantastiqu­e pour compenser l’absence, mais c’est un intervalle. » Pour apprendre, pour capter l’attention, il faut des corps qui renvoient des expérience­s et du sens. Plus encore, sa réflexion nous interroge sur le sens de la réussite, les problèmes d’attention si courants et même la gestion des échecs. « On n’échappe pas à la présence », estime Maxime Rovere. Une pensée à suivre à l’heure où la distanciat­ion est le maître mot.

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 ??  ?? L’ÉCOLE DE LA VIE. ÉROTIQUE DE L’ACTE D’APPRENDRE,
MAXIME ROVERE, 260 P., FLAMMARION, 19 €. EN LIBRAIRIES LE 2 SEPTEMBRE.
L’ÉCOLE DE LA VIE. ÉROTIQUE DE L’ACTE D’APPRENDRE, MAXIME ROVERE, 260 P., FLAMMARION, 19 €. EN LIBRAIRIES LE 2 SEPTEMBRE.

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