DERNIER BILAN AVANT L’ÉLECTION
En novembre, le peuple américain élira son président dans une ambiance des plus tendues. Alors que Donald Trump a ouvert la voie à un extrémisme décomplexé, laissant derrière lui un pays fracturé, les États-(dés)Unis remettront-ils le couvert ?
Il y a un avant et un après Charlottesville. Le 12 août 2017, des militants d’extrême droite venus manifester contre le projet de déboulonnage de la statue du général Lee, héros du camp sudiste, dans un parc de la ville de Virginie se heurtent violemment à des « antifa ». Bilan : un mort et une vingtaine de blessés. Ces
événements confirment que les fractures raciales n’ont pas disparu,
même après l’élection du premier président noir, Barack Obama. Des « grandes fractures », Didier Combeau en analyse plusieurs dans Être américain aujourd’hui : l’immigration, la lutte entre prochoice et pro-life au sujet de l’avortement, la question de l’égalité,
la relation ambiguë à la nature, la violence, la crise des institutions
et celle de la politique, etc. Ce kaléidoscope constitue l’une des meilleures manières d’aborder cette Amérique méconnue dont Trump
a été le révélateur. Au-delà des sensibilités – des « conservateurs convaincus » aux « sceptiques pressurés », des « libéraux » à « la gauche foi et famille »… – l’auteur dessine, à deux mois d’une élection majeure, un pays de plus en plus polarisé entre droite et gauche, autour d’un bloc central modéré et silencieux.
Après Charlottesville, reproche avait été fait à Donald Trump
de renvoyer dos à dos militants antiracistes et suprémacistes. C’est à cette « idéologie encore dans sa chrysalide », à cette « Internationale blanche » en voie de constitution, prônée par de jeunes Blancs fiers de l’être (« Proud to be White ») et qui ont pris leur distance avec l’Old Right, celle du Klan et des néonazis, que Philippe-Joseph
Salazar consacre une passionnante « enquête intellectuelle de terrain ». Contrairement au dessein universel commun au communisme, au fascisme et au capitalisme, explique-t-il dans Suprémacistes,
l’« alt(ernative)-right » est un séparatisme fondé sur la race.
UN AUTRE VISAGE DE L’AMÉRIQUE
On n’attendait pas sur ce sujet un philosophe, ancien élève de Marc
Fumaroli, si ce n’est par le biais de la rhétorique, sa spécialité. Dans ses interviews-portraits de part et d’autre de l’Atlantique, il
donne aussi bien la parole à un étudiant bien élevé en polo Ralph Lauren – signe de ralliement – de l’American Identity Movement ; à un théoricien de l’ethnostate, l’état ethnique; à un romancier amateur d’Orwell, déplorant « l’aversion envers la réalité » des
gens éduqués ; au porte-parole d’une revue viennoise, grand amateur de Truffaut et du romantique allemand Kleist. Ou encore à Renaud
Camus, écrivain et théoricien du « grand remplacement » et à un philosophe d’origine croate jamais à court d’un conseil : « Écoutez Trump. On comprend ce qu’il dit. Il parle comme le personnage de Céline, Bardamu. »
« L’homme qui a tout appris » à l’actuel locataire de la MaisonBlanche, en particulier la brutalité et le culot, c’est Roy Cohen, terreur des prétoires après avoir envoyé les Rosenberg à la chaise
électrique. Avocat de la mafia et ami d’Andy Warhol, homosexuel
et juif honteux, ce personnage sulfureux semble sorti tout droit
d’un récit de Truman Capote, grâce au talent de Philippe Corbé, correspondant de RTL aux États-Unis. C’est encore un autre visage de l’Amérique.