UN PRÊCHI-PRÊCHA LOURDEMENT DIDACTIQUE
Il y a un détail amusant à la page 119 de Comme un empire dans un empire : Antoine, le héros, quitte une fille parce qu’elle cite Boris Cyrulnik à chaque crise. On tient là le seul trait d’esprit d’un pensum qui nous a fait comprendre que si nous n’avons pas divorcé, c’est grâce à ce choix judicieux : avoir épousé quelqu’un qui ignore jusqu’à l’existence des livres d’Alice Zeniter. Soyons sérieux deux secondes, puisque la romancière l’est (hélas) plus que quiconque : son Antoine, un assistant parlementaire déçu par le socialisme, est encore plus terne que certains responsables politiques bien réels (à vous de deviner…). Quant à son personnage féminin, une hackeuse sinistre dont le petit copain est en prison, on se demande pourquoi elle nous explique à longueur de pages ce qu’est Internet. Pour éclairer, sans doute, les lecteurs qui ne retrouvent plus leur exemplaire de « L’Informatique pour les nuls » ?
Si Balzac revenait sur Terre, il serait probablement consterné par ses héritiers : au lieu de révéler l’envers de notre époque, ceux-ci en déroulent les lieux communs dans un prêchi-prêcha lourdement didactique – pavé sans aucune grâce, effroyablement académique et démonstratif, Comme un empire dans un empire ferait passer Karine Tuil pour Virginia Woolf. Le monde est méchant mais, heureusement, il y a la résilience – comme quoi l’auteure aime bien Cyrulnik ! À la fin de son roman, elle envoie Antoine et la hackeuse se remonter le moral dans un phalanstère en Bretagne. Là-bas, tout le monde danse. C’est beau. Ne reste plus qu’à planter des arbres et à inviter Zaz. Oui, celle qui chantait : « Je veux de la joie, de la bonne humeur » – soit ce qui manque terriblement au dernier Zeniter.