L’HUMOUR NOIR DE FRANÇOIS HOLLANDE

Les lecteurs de « l’Obs » ne sont pas les seuls à éprouver de la perplexité face aux intentions réelles du président de la République. Ainsi, mardi dernier, lors de la cérémonie de remise de décorations où il distinguait notamment la pionnière française du microcrédit Maria Nowak et l’acteur Pierre Santini (photo), les invités retenaient leur souffle. François Hollande, qui prenait beaucoup de liberté avec les discours écrits, brûlait d’envie de se lâcher. A sa manière. A petits traits d’humour crypté. En décorant l’économiste Jean Matouk, qui fut chroniqueur au « Nouvel Obs » de 1973 à 1979, Hollande a cette phrase singulière : « Il paraît que dans une thèse vous aviez résumé l’économie française en quatorze équations. Eh bien, si vous avez encore un exemplaire, je suis preneur ! » L’assistance avait ébauché un sourire qui se fige quand elle réalise que la joviale blague ressemble très fort à un aveu de détresse. Humour noir encore avec Pierre Santini qui vient de tourner un film où il incarne le rôle d’un président cherchant à reconquérir l’opinion : « Je crois bien, s’arrête Hollande, que j’irai voir ce film avec beaucoup d’intérêt… » Le président broie manifestement du noir mais il veut aussi montrer que, sur l’essentiel, il a tranché. Qu’il n’y a plus l’ombre d’une alternative plausible à l’option sociale-libérale. Et qu’il ne décolère pas face à l’abstention, cet après-midi du mardi 29 avril, de 41 députés socialistes sur le texte du programme de stabilité défendu par le Premier ministre Manuel Valls. Hollande règle ses comptes en distinguant Patrick Buffet qui pilota les grands projets industriels de la France de 1981 à 1982, juste avant le « tournant de la rigueur » décidé par François Mitterrand. Il a cette phrase acide, presque rageuse, sur les chimères antiques d’une économie socialiste : « Je préfère ne pas relire ce qu’il y avait dans ces grands projets… »