L'Obs

“Qui aime bien charrie bien”

- Propos recueillis par F. P.

— « L’idée de départ du film, c’est que les enfants d’immigrés souffrent de ne pas être reconnus comme français et que les Français de souche souffrent qu’on les prenne pour des racistes. Ce qui n’est pas le cas, sauf une minorité. Je suis d’une famille catholique bourgeoise, ma mère était prof de français et mon père cadre sup dans le transport routier. Mais ils sont beaucoup plus ouverts que le couple que forment Clavier et Lauby. N’écrivez pas que je me suis inspiré de ma famille, comme on l’a dit, car je me vais me faire défoncer par mes parents! Pour le casting, j’avais Christian Clavier et Chantal Lauby, la génération du Splendid et la génération des Nuls. En face, je voulais mettre une nouvelle génération, faire un mélange. Je voulais de nouvelles têtes. Drôles, séduisante­s, sympathiqu­es. Ça manque dans le cinéma français, on voit toujours les mêmes acteurs. J’avais vu Noom Diawara dans la pièce “Amour sur place ou à emporter”, Ary Abittan dans son spectacle, Frédéric Chau dans le Jamel Comedy Club et Medi Sadoun dans le film “les Kaïra”. Je leur ai fait passer des essais séparément dans un bureau d’UGC, à Neuilly. Je leur ai demandé de chanter “la Marseillai­se” car je savais que c’était une scène clé, à cause des polémiques sur les joueurs de foot qui ne la chantent pas. Dans les salles, c’est la scène qui fait le plus rire, les femmes voilées aussi, et qui interpelle le plus le public. Medi est un maître du karaoké et un chanteur profession­nel puisqu’il chantait dans une chorale de gospel [Gospel pour 100 voix, NDLR]. Avec Ary, ils connaissen­t par coeur le répertoire d’Aznavour et de Claude François. Je voulais que la scène de “la Marseillai­se” soit drôle mais aussi émouvante. Elle ne devait pas être rigolote en soi. Pendant les essais, je leur ai demandé à chacun de chanter comme s’ils étaient des joueurs de foot en finale de la Coupe du Monde. Il fallait du premier degré, de la sincérité. C’est leur sincérité qui m’a frappé. Quand ils chantent dans le film, ils font bloc, ils ne font qu’un. Au cinéma, d’habitude, on propose aux enfants d’immigrés soit des rôles ingrats, soit des rôles principaux où les personnage­s n’ont aucun défaut. Dans le film, je traite tout le monde à égalité. Tout le monde est un peu raciste, tout le monde a ses travers, ses lâchetés. Aujourd’hui, on n’ose plus rien dire. J’ai 48 ans. Autrefois, quand je jouais au foot à l’ES Parisienne, où il y avait peu de Blancs, tout le monde se vannait sur la couleur de la peau et la religion. Il fallait que ce soit drôle. Et la devise, c’était : “Qui aime bien charrie bien.” »

(*) Réalisateu­r de « Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ? ».

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