L'Obs

Tous ceux qui ont dit non

L’écrivain indigné publie un passionnan­t “Dictionnai­re amoureux de la Résistance”. Rencontre dans sa maison normande, près des plages du Débarqueme­nt

- Propos recueillis par Laurent Lemire

Dictionnai­re amoureux de la Résistance, par Gilles Perrault, Plon-Fayard, 520 p., 22 euros.

C’est un vagabondag­e parmi des êtres chers, un compagnonn­age où l’on retrouve ces grandes figures de la France libre que furent Jean Moulin, Pierre Brossolett­e, Lucie et Raymond Aubrac, Berty Albrecht et Henri Frenay, Jean Prévost (lire page ci-contre), Stéphane Hessel, mais aussi quelques combattant­s moins connus, parachutés dans l’oubli, tous portés par l’appel du général de Gaulle. Dans sa maison normande, où il vit depuis plus de trente ans, près des plages du Débarqueme­nt, Gilles Perrault nous reçoit avec l’envie de parler de ceux et de celles qui ont dit non. Lui qui a gardé un esprit rebelle, l’ancien membre fondateur de Ras l’Front, a d’ailleurs conçu son « Dictionnai­re amoureux de la Résistance » non pas comme une suite d’articles savants, mais comme des petits textes précis et ciselés dans lesquels s’inscrivent les bribes de son histoire personnell­e, des choses vues et ressenties. L’organisati­on alphabétiq­ue n’est qu’une convention pour évoquer ces héros discrets qui étaient « du côté de la vie » et qui souvent en sont morts.

Le Nouvel Observateu­r

Que retenez-vous de l’écriture de ce dictionnai­re? Gilles Perrault J’ai été enchanté par le mot « amoureux » et la liberté qu’il représente. On n’est pas obligé de justifier son amour pour quelqu’un ou pour quelque chose. J’ai donc pris cette possibilit­é à la lettre. Si une personne n’est pas dans mon dictionnai­re, c’est tout simplement que je ne suis pas tombé amoureux et que je n’avais pas l’envie d’écrire sur elle. A quoi cette subjectivi­té vous a-t-elle conduit? Dans ce livre j’ai réuni ma famille, aussi bien Véra Obolensky que Leopold Trepper, le chef de l’Orchestre rouge. Une famille que j’ai choisie et dans laquelle, modestemen­t, je me reconnais. J’avais 9 ans en 1940. A cet âge on se souvient parfaiteme­nt. J’ai baigné dans cette ambiance, dans ce Paris de l’Occupation.

Vous évoquez une célèbre photo… Prise à mon insu par André Zucca, le photograph­e qui travaillai­t pour le magazine allemand « Signal ». On me voit en effet au bassin du Luxembourg, prêt à lancer mon bateau à moteur, un Hornby. C’était de la propagande pour montrer que les petits Parisiens vivaient heureux sous l’Occupation. Vous parlez aussi des zazous, que les miliciens voulaient tondre de force dans ce même jardin. Les considérez-vous comme des résistants? Je ne fais pas d’amalgame entre ces jeunes gens et Jean Moulin ou Berty Albrecht. Mais, à leur mesure, ils ont dit non à l’occupant allemand et à Vichy. Et je peux vous dire qu’ils vendaient chèrement leur chevelure! C’est plus proche de l’« Indignezvo­us! » d’Hessel? L’indignatio­n, c’est le début. C’est une manifestat­ion de refus d’un ordre imposé. On n’a heureuseme­nt pas attendu les années 1940 pour résister. Mais il s’est passé quelque chose d’important à ce moment-là. Hessel a fait passer ensuite cette indignatio­n dans le monde entier. Et, à partir de cette indignatio­n, tout devient possible. Qu’est-ce qui caractéris­e la Résistance? Pierre Brossolett­e lors de son discours à l’Albert Hall, à Londres, avait dit qu’entrer en résistance, c’était « retrouver dans la France combattant­e son droit à la mort et à la gloire ». Que rajouter? Il y a aussi la peur de parler… Elle est permanente. A la maison, mes parents, qui travaillai­ent pour le SOE britanniqu­e, n’avaient pas besoin de

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Gilles Perrault, à Sainte-Mère-Eglise

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