L'Obs

C’est le Dawa

Dawa, par Julien Suaudeau, Robert Laffont, 492 p., 21 euros.

- Grégoire Leménager

On est à la veille des municipale­s, le PS va s’y faire écrabouill­er, et « l’hidalgo de la place Beauvau », avec « sa gravitas de beau gosse, matois et ramenard », ne devrait plus tarder à être « promu à Matignon » . C’est le moment choisi par un prof d’arabe, qui a des comptes à régler avec la France et avec lui-même, pour réaliser « le grand chelem du terrorisme hexagonal » : « six attentats si multanés dans les six gares de Paris, perpétrés par six enfants de la République, petits Français de souche ou issus del’immigratio­n » . Nom de code: Dawa. Objectif: « le grand chaos » .

Sur cette trame explosive, Julien Suaudeau, 38 ans, signe un premier roman très noir, dense, collant et touffu comme un RER à l’heure de pointe, peuplé de dizaines de personnage­s et monté comme les meilleures séries américaine­s. On y passe du sous-sol de l’Elysée aux clubs de boxe d’Aulnay-sous-Bois, en suivant des flics en guerre contre leurs patrons; des politicard­s qui font « les fiers-à-bras » sécuritair­es mais sont « en affaires avec le Qatar » ; un caïd de la drogue furieux contre « ces saloperies de salafistes » . On s’y perd, on s’y désole, on s’y cramponne avec l’espoir de se réveiller de ce cauchemar propre à nourrir les pires névroses contempora­ines. C’est là que Suaudeau est très habile. S’il brasse ce qu’il faut de clichés apocalypti­ques sur des banlieues où « le pire est toujours sûr », c’est en multiplian­t les points de vue, pour dénoncer « le règne des identités fabriquées » et les « empreintes indélébile­s » de la « sale guerre » d’Algérie. Avec cette conviction terrible, qui donne à son polar l’allure d’une tragédie en treize actes: « Tout lemonde a ses raisons, même les salopards et les hommes abjects. »

 ??  ?? Julien Suaudeau
Julien Suaudeau

Newspapers in French

Newspapers from France