L'Obs

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Un roman et un essai : l’écrivain autrichien revient à l’inspiratio­n vagabonde qui a fait le meilleur de son art. Rencontre exclusive chez lui, dans sa maison de Chaville (Hauts-de-Seine)

- PAR JEAN-LOUIS EZINE PHOTOS : MATHIEU ZAZZO/PASCO

Peter Handke : « Le Nobel est une farce » Un roman et un essai : l’écrivain autrichien revient à l’inspiratio­n vagabonde qui a fait le meilleur de son art. Rencontre exclusive

La Grande Chute, par Peter Handke, traduit de l’allemand par Olivier Le Lay, Gallimard, 176 p., 17,50 euros ; Essai sur le lieu tranquille, du même auteur, même traducteur, coll. « Arcades », Gallimard, 90 p., 9,50 euros.

Les chansons d’amour racontent n’importe quoi. Vous vous souvenez de « Tout ça parce

qu’au bois de Chaville, y avait du muguet » ? Le bois de Chaville n’existe pas. N’a jamais existé. A Meudon, oui, un peu plus haut. Il y aurait même sous ces futaies dévalant les collines de quoi nourrir l’imaginaire d’un poète en nymphes, brigands et ours. Ou alors on parle de Fausses-Reposes, du côté de Versailles et de Ville-d’Avray, la forêt aux étangs mélancoliq­ues que peignait Corot. Dans les abîmes ombrageux filent les sangliers et les fantômes prussiens de 1870. Peter Handke est un marcheur sylvestre. Un marcheur qui ne cherche pas son chemin. Qui essaierait plutôt de le semer. « Il est bon de se perdre une heure par jour. C’est même nécessaire, absolument. Ça fait beaucoup de bien. Et on peut se perdre encore en France. C’est un privilège plus rare qu’on ne le croit. Prenez la Norvège, un pays réputé sauvage. Je suis allé d’Oslo à

Bergen, avec ma fille, par le train. Eh bien je trouve la France plus mystérieus­e que la Norvège. » Un temps, puis : « L’esprit souffle où il veut, comme il est dit. »

Peter Handke a toujours eu le génie de brouiller les pistes. Ses résidences, à l’image de ses livres, défient les cartes, troublent les frontières, dérèglent les passages, affolent les GPS. Ici, c’est comme si l’empire végétal, précipitan­t ses sombres feuillus le long des pentes abruptes, avait bousculé le reliquat urbain dans le même étroit vallon. Trois communes et deux départemen­ts se disputent la rue où vit l’écrivain ! D’un côté, c’est Chaville et les Hauts-de-Seine. Sur le trottoir d’en face, on est à Viroflay et dans les Yvelines. Et encore le haut de la voie est-il attribué à VélizyVill­acoublay. Ce phénomène remarquabl­e de balkanisat­ion administra­tive aura sans doute attisé son goût de

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