L'Obs

L’air des Ricains

Où l’on voit qu’il fait peine à voir

- D. D. T.

Cet article est dédié à un homme âgé de 84 ans, dont le nom n’est pas connu, qui a voulu sortir de la maison de retraite, en Normandie, où il était entré six semaines plus tôt. Il souffrait de troubles cognitifs, rapporte la radio France Bleu. Il a pourtant su, trouvant les issues fermées dans la nuit, se servir si bien d’un couteau qu’il a débloqué la fenêtre sécurisée de sa chambre et il a su ensuite casser un cadre de décoration pour en briser le verre, lacérer ses draps, les nouer, s’en faire une échelle. L’étage était trop haut, ou son échelle improvisée trop courte, à l’aube on l’a trouvé mort au pied du bâtiment où il était enfermé. Même prendre le frais la nuit, il avait pas droit. So long, my friend.

Le monde entier s’est esbaudi à la mort du condamné de l’Oklahoma dont les bourreaux n’ont jamais réussi à trouver la bonne veine ni se servir du bon produit, le piquant au hasard puis finissant par renoncer à l’achever, ce dont il s’est acquitté tout seul en leur faisant une crise cardiaque trois quarts d’heure plus tard. Une chose qu’on n’a apprise que trois jours après, et qui méritait aussi l’esbaudisse-ment, c’est qu’ils l’avaient déjà flingué au Taser pour qu’il reste tranquille au sortir de sa cellule et se laisse conduire sans faire d’histoires à la chambre d’exécution. Que ne l’avaient-ils plutôt flingué d’une rafale de mitraillet­te, alors que là, la sentence n’a pas été exécutée, il est mort, on n’ose pas dire de sa belle mort mais enfin il est mort tout seul sans même qu’on puisse l’en empêcher. Justice n’a pas été faite. De quoi qu’ils ont l’air, les Ricains ? A Charlevill­e-Mézières, les flics n’ont pas hésité. Elle avait sauté du camion, la vache. La vache ? Oui, une vraie vache. On la conduisait à l’abattoir avec son veau. Esbaudisso­ns-nous (on peut l’écrire aussi ébaudisson­s), esbaudisso­ns-nous une nouvelle fois. Mener ensemble à l’abattoir la mère et son petit, n’est-ce pas la première étape d’une gastronomi­e bien comprise ? Pas d’amertume chez le veau qui sera mort rassuré. Maman était là. Pas de perte de poids malencontr­euse chez la vache, tout entière à son devoir de sauver son enfant. Pour les deux dont on parle, il y avait une vraie entente entre ces mam- mifères et c’est du même mouvement qu’ils avaient pris la poudre d’escampette. Le veau a eu tôt fait d’être rattrapé et maîtrisé. Il doit être mort, aujourd’hui. Peutêtre même a-t-il déjà été mangé. Il en alla différemme­nt de la vache. Sautant les barrières du périphériq­ue, elle entra dans la ville. Elle sema la terreur, à défaut de la désolation. Un homme, nous dit-on, promeneur des bords de Meuse, y laissa son téléphone portable qui tomba à l’eau. Une voiture de police vit son capot défoncé. Ma pauvre vieille, il ne fallait pas faire ça. 70 balles, contre la vache, furent tirées. Ils l’ont eue. Que les Ricains en prennent de la graine. En France, force reste à la loi.

La loi française fait peur jusqu’en Suisse. En tout cas, jusqu’à ses banquiers. La banque UBS interdit aux employés de sa gestion de fortune de mettre un pied en France. Fût-ce distraitem­ent dans la montagne en y cueillant des fleurs autorisées, fût-ce dans la vallée pour y acheter quelque chose au supermarch­é. C’est qu’un douanier dissimulé peut toujours leur sauter dessus, et qui sait quel secret bancaire il parviendra­it à leur soutirer ? Il en va, chers employés de notre banque bien-aimée, de la confiance de notre client. C’est chez nous qu’il vient frauder. Que pensera-t-il, s’il nous rencontre derrière un Caddie dans son propre pays ? S’il nous voit batifoler sur ses monts ? Nous voulons que son pognon reste en Suisse ? Restons nous-même en Suisse. Où l’on voit le banquier suisse ne jamais perdre de vue l’élémentair­e.

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