DE LA FATIGUE DÉMOCRATIQUE

Notre ami lecteur Robert Ramirez affiche un moral printanier que beaucoup lui envieront. Son truc à lui pour se faire du bien, c’est de comparer Nicolas Sarkozy et François Hollande. Extraits : « On ne voit plus, écrit-il, un président emballer sa communication en s’appuyant sur une compassion feinte pour exploiter le moindre fait divers et nous parler de récidive. Oui, je me sens revivre en respirant un air propre où la pollution morale n’est plus distillée par ceux que nous avons élus. » Il est exact que malgré la marée noire du chômage, la bérézina sociale ne dégénère pas en émeute. Reste la fatigue démocratique. Cette insondable lassitude qui transpire dans les sondages où 60% des personnes interrogées affirment s’orienter vers l’abstention lors du scrutin européen. Dans les courriers envoyés à « l’Obs », le Journal de Jacques Delors, le Grand Bleu européen, celui de la paix et du continent puissance, semble avoir viré à l’énorme blues. Francis Ficat le dit d’une phrase sèche : « Voter, c’est devenu inutile. Vous votez “non” et le gouvernement fait “oui”. » A lui et à tous les autres saisis par la tentation de l’exil civique je conseille la lecture d’un petit essai de très haute tenue, « le Crépuscule de la démocratie » (Grasset). Son auteur, Nicolas Grimaldi, est certainement l’un de nos philosophes les plus fins, les plus élégants et les moins modeux qu’a produits l’université. Expert de Descartes mais aussi de Kafka, il rassure d’abord en citant Péguy. « Tout a toujours très mal marché. » « Cette claudication qui nous apitoie, commente Grimaldi, est l’ordinaire façon, qu’a le monde de marcher. S’il va mal, réjouissonsnous, c’est la preuve qu’il va. » Et puis il plante la fatale banderille : « A force de multiplier les échelons, les paliers, les étages de la représentation démocratique, n’avons-nous pas fait de cette représentation une corporation et de ce corps autonome une sorte de parasite ? »