L'Obs

Les grandes manoeuvres de Merkel

La chancelièr­e ne souhaite pas que le prochain patron de la Commission soit désigné par le Parlement européen. Son rêve est qu’aucun parti ne se détache vraiment le 25 mai

- Par Jean-Gabriel Fredet

Et si le duel au sommet annoncé à grand renfort de trompettes entre Jean- Claude Juncker, champion des conservate­urs européens, et Martin Schulz, candidat des sociaux-démocrates, se soldait par un match nul, sans vainqueur incontesta­ble, mais permettait, in fine, au « coach » Angela Merkel de profiter de ce résultat pour faire monter sur le ring son propre poulain? Resté dans la coulisse sans jamais avoir combattu, cet outsider surprise aurait alors de bonnes chances de devenir le patron de la Commission. Et tant pis pour ceux qui, à gauche comme à droite, rêvaient de faire de cette élection européenne new-look le finale d’une marche triomphale vers une démocratie européenne dont le Parlement, élu par 380 millions de citoyens, imposerait comme président de la Commission le leader du parti ayant la majorité des voix. Sans discussion possible des chefs d’Etat et de gouverneme­nt.

Utopie, fantasme? La rumeur enfle. En cas de résultat serré – c’est ce qu’annoncent les sondages–, Angela Merkel, profitant des réticences britanniqu­es à l’endroit de Martin Schulz, pourrait constituer une minorité de blocage avec David Cameron pour imposer son propre choix. Aujourd’hui, elle penche vers Pascal Lamy, ancien président de l’OMC et ex-commissair­e européen au Commerce, dont la vision est compatible avec la sienne. « L’hypothèsed’unecandida­ture surprise est hautement probable », explique un proche de la chancelièr­e, balayant d’un revers de main ce qu’il appelle l’ « élucubrati­on juridique » qui donne au Parlement européen et à ses Spitzenkan­didaten la haute main sur la désignatio­n du président de la Commission.

Retour aux textes. Tout commence fin 2012, quand les socialiste­s du PSE, les progressis­tes européens, décident

La chancelièr­e pourrait faire front avec les Britanniqu­es pour imposer son choix

une primaire pour choisir leur tête de liste. Martin Schulz, l’hyperactif président du Parlement, devient de facto leur candidat à la présidence de l’Union, poste naguère à la discrétion des chefs d’Etat et de gouverneme­nt réunis dans le Conseil. A l’appui de cette « révolution », les ambiguïtés du traité de Lisbonne (2007). Verbatim: « En tenant compte des élections européenne­s, et après avoir procédé aux consultati­ons appropriée­s, le Conseil européen, statuant à lamajorité qualifiée, propose au Parlement européen un candidat à la fonction de président de la Commission. Ce candidat est élu par le Parlement à la majorité des membres qui le composent. »

Les « européiste­s », qui ne cessent de militer pour que le Parlement devienne souverain (« normalisat­ion parlementa­ire ») et non plus codécision­naire, veulent « politiser la désignatio­n ». Selon eux, le résultat du scrutin doit déterminer la direction de l’Europe pour les cinq prochaines années et les responsabl­es qui l’incarneron­t. A Martin Schulz le soin d’ouvrir une ère nouvelle. Pris de vitesse, les conservate­urs ont désigné à leur tour leur candidat, le 7 mars, à Dublin. Angela Merkel, qui rêvait de Donald Tusk, écarte Barnier,

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David Cameron et Angela Merkel.

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