L'Obs

Logique on/o

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Le sommeil est devenu, comme bien d’autres sphères de l’intime, une histoire de chiffres. On veut « gagner » des heures de sommeil, dormir « plus » et « mieux ». « Dans notre société de performanc­e et de contrôle de soi, l’“inaccessib­ilité au sommeil” est très mal vécue », analyse le sociologue David Le Breton, chercheur au laboratoir­e Cultures et Sociétés en Europe de Strasbourg. Dans un essai hardi tout juste traduit en français, « le Capitalism­e à l’assaut du sommeil » (La Découverte), Jonathan Crary, professeur à l’université Columbia, va bien plus loin. Passer une partie de notre vie à dormir serait, au fond, « le dernier affront que les humains pourraient faire à la voracité du capitalism­e contempora­in » . Les bras doux et enveloppan­ts de Morphée sont bel et bien l’un des ultimes refuges contre la publicité, le marketing, la consommati­on. « Au regard de l’immensité des enjeux économique­s, explique Crary, il n’est pas étonnant que le sommeil subisse une érosion généralisé­e depuis le €€ siècle. » Dans ce monde où l’on se lève désormais à toute heure pour consulter ses e-mails, le risque est que, de plus en plus, Homo connecticu­s, à l’image de sa quincaille­rie technologi­que, demeure en « mode veille » y compris la nuit. « La logique on/off est dépassée. Rien n’est plus désormais fondamenta­lement off. Il n’y a plus d’état de repos effectif », poursuit Jonathan Crary.

L’insomnie est à l’esprit ce que la fièvre est au corps. Une alarme. Un symptôme, y compris sociétal. Le nombre croissant d’insomniaqu­es reflète les souffrance­s sociales contempora­ines. A Cahors, Olivier, 40 ans, ne dort plus, depuis deux ans.

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