La demoisell e d’Izieu

L’Institutrice d’Izieu, par Dominique Missika, Seuil, 252 p., 19 euros.

Ils l’appelaient « mademoiselle » . Gardienne de la mémoire des enfants d’Izieu, Gabrielle Perrier (photo), leur institutrice, resta longtemps ignorée. Jusqu’au fameux procès de Klaus Barbie à Lyon en 1987, où elle apparut enfin pour témoigner contre le bourreau. Et parler de la colonie dirigée par la grande Sabine Zlatin, la « dame d’Izieu », avec Miron, son mari. Gabrielle évoqua ces écoliers « mûris avant l’âge » qu’on lui confia en septembre 1943 dans ce petit village de l’Ain.

Jusqu’à ce 6 avril 1944. Triste jeudi saint où 44 enfants de 5 à 17 ans sont raflés par la police allemande avec sept adultes. 44 enfants qui partent en chantant pour braver leurs persécuteurs: « Vousn’aurezpasl’AlsaceetlaLorraine. » Ils ne sont jamais revenus. C’était le premier jour des vacances de Pâques. La veille, Gabrielle était rentrée chez elle. La jeune femme, âgée de 22 ans, fut donc sauve, du moins en apparence. Car l’institutrice demeura inconsolable, marquée à vie par cet arrachement inhumain. Puisque l’ouverture de la classe avait reçu l’aval de l’Education nationale, elle croyait ses élèves en sécurité. Mais rien ni personne ne protégeait ces malheureux de la barbarie nazie.

Depuis, la Maison d’Izieu, musée-mémorial inauguré par François Mitterrand en 1994, rend hommage aux petits martyrs qui furent envoyés au fort de Montluc avant d’être gazés à Auschwitz. Qui les a dénoncés? La question reste en suspens. On accusa un cultivateur d’origine lorraine. Mais la Gestapo a pu être alertée par une information administrative. A l’occasion du sinistre 70e anniversaire de la rafle, Dominique Missika, auteur, éditrice, retrace la tragédie de la classe de Gabrielledans un récit poignant, sur le fil. A partir des souvenirs de l’institutrice transcrits sur une vingtaine de feuilles quadrillées, elle sort de l’ombre une figure émouvante. Non pas une héroïne, mais une femme exemplaire. Afin que l’histoire n’oublie rien.