Baroque Baricco
Peut-on écrire un portrait comme le ferait un peintre ? C’est le sujet de ce conte signé par l’auteur de “Soie”
Mr Gwyn, par Alessandro Baricco, traduit de l’italien par Lise Caillat, Gallimard, 192 p., 18,50 euros.
En Italie, Alessandro Baricco ne laisse pas de marbre. Ses détracteurs dénoncent la piètre qualité de sa prose avec autant de fureur que ses amateurs défendent son génie. La notoriété qu’il avait acquise en animant une émission culturelle à la télévision s’est doublée d’un succès littéraire foudroyant qui ne s’est pas démenti depuis plus de vingt ans. Il y a là de quoi en faire bisquer quelques-uns, d’autant que Baricco, dont la plus grande ambition est que ses « histoires soient assez fortes pour inspirer d’autres oeuvres », a vu deux de ses romans, dont le fameux « Soie », adaptés au cinéma.
Ce qui séduit dans l’écriture du polémique Turinois, c’est une imagination foisonnante dirigée avec une précision de chef d’orchestre, où la profusion des personnages et des situations met à contribution les capacités mnésiques du lecteur. Pour celui qui se fait un « devoir social » de raconter des histoires, « la réalité ne se donne jamais commeuntexteclair » . Quelques tours de passe-passe sont parfois nécessaires à son ordonnancement. Jasper Gwyn, dernier-né de l’esprit de Baricco, appartient à cette réalité augmentée. Singulier bonhomme que cet ancien accordeur de pianos londonien devenu écrivain, qui a pour seul ami son agent, répugne à la paternité et dialogue tout naturellement avec une vieille dame décédée. Lorsqu’il décide un jour d’abandonner l’écriture et la brillante carrière à laquelle il est promis, son agent n’y voit que lubie. Il n’en est rien. Gwyn veut changer de vie, et c’est une galerie d’art qui va lui en fournir l’occasion.
Face à un portrait, il a la révélation que le peintre a « reconduit chez lui » son modèle. Ce qu’il veut, c’est, de la même manière, écrire des portraits