Le Musée Soulages
— Dessiné et conçu par les Catalans RCR Arquitectes et Passelac & Roques Architectes, le Musée Soulages (coût: 26 millions d’euros) se présente sous la forme d’un ensemble de volumes parallélépipédiques bardés d’acier Corten. Ces « boîtes » dont les ouvertures rappellent les fenestras des maisons aveyronnaises se déploient sur une surface de 6600 mètres carrés. Outre les réserves, un centre de documentation, une salle de conférence, un atelier pour les enfants, le musée abritera les deux donations faites par Pierre et Colette Soulages à la communauté d’agglomération du Grand Rodez. Celles-ci comprennent 500 pièces : oeuvres des premières années, peintures sur papier (dont les précieux brous de noix), la totalité de l’oeuvre imprimé ainsi que les travaux préparatoires aux vitraux de l’abbatiale de Conques. A quoi s’ajoute un important fonds documentaire. Ces oeuvres fragiles seront exposées par roulement. Pierre Soulages a souhaité qu’un espace soit aussi réservé à des expositions temporaires d’artistes contemporains. Benoît Decron, médiéviste de formation et commissaire de nombreuses expositions, est le conservateur en chef de ce muséequi n’a pas oublié les gastronomes. Sébastien et Michel Bras y ont ouvert le Café Bras (menu à 29 euros). qui aujourd’hui sont exposées dans les collections du Musée Fenaille. « C’estla première fois que j’entrais aumusée! » dit en riant Pierre Soulages. Ce rapport à la préhistoire sera pour lui déterminant parce qu’il remet en cause une certaine histoire de l’art qui voudrait faire naître ses origines à l’Antiquité grecque. « Onsefocalisesurcinqsiècles, de 1500 à 500 av. J.-C. Mais on oublie qu’àAltamiradeshommesontpeintdes animaux sur les parois d’une grotte quinze siècles avant notre ère! » Pierre Soulages est un homme de pierre. Pour autant, il ne néglige pas les paysages de son enfance, les grandes étendues du causse plantées de prunelliers, de genévriers et d’arbres en bouquet. Ses premières peintures, figuratives, représentent d’ailleurs des arbres en hiver, châtaigniers noueux ou peupliers élancés dont il représente les branches sombres s’élançant vers le ciel.
Ses études au lycée terminées, il faut quitter Rodez. Sa mère Aglaé lui suggère de faire des études de médecine à Toulouse : « Tu as de bonnes notes en physiqueetenchimie. » Pierre Soulages n’est pas d’accord. Il veut devenir professeur de dessin. Alors il monte à Paris pour préparer le concours. L’une des épreuves consiste à faire trois croquis d’un nu en vingt minutes. « J’ai eu 20 sur 20 et le professeur qui corrigeait l’épreuvem’aconseillédemeprésenterà l’EcolenationalesupérieuredesBeauxArts. » A 19 ans, il passe avec succès les épreuves de l’examen d’entrée. Mais il n’intégrera jamais l’Ecole des BeauxArts, refusant de se plier aux exigences néfastes de l’académisme.
La suite, c’est l’histoire d’une carrière artistique qui débute en 1947, date de sa première exposition à Paris au Salon des Surindépendants, où il présente des toiles abstraites. Ces oeuvres aux tonalités sombres attirent l’attention de Picabia qui lui prédit : « Avec cela, vous allez vous faire beaucoup d’ennemis. » Picabia se trompait. Durant plus d’un semi-siècle, Pierre Soulages a obstinément creusé le sillon qu’il avait ouvert. Ses tableaux noirs (mais pas seulement car il utilise aussi les rouges, jaunes, bruns, bleus) ont été exposés dans les plus grands musées du monde. A 94 ans, Pierre Soulages poursuit son oeuvre. « Parfois, dit-il, j’ai l’impression demeperdredans latechnique. Enfait jeme retrouve toujours. » (1) Jusqu’au 27 juin ; www.perrotin.com