L'Obs

Sébastien Thiéry

Lors de la Nuit des Molières, il s’est présenté à poil devant Fleur Pellerin, la ministre de la Culture. Mais qui se cache derrière cette nudité ?

- JACQUES NERSON

CARTE D’IDENTITÉ Avec sept comédies et deux recueils de sketchs à son actif, Sébastien Thiéry qui fête ses 45 ans ces jours-ci est devenu l’un des rois du théâtre privé parisien. Il figure parmi les dramaturge­s français les plus traduits et joués à l’étranger. Plaidant l’autre soir en faveur des auteurs nécessiteu­x, il ne prêchait donc pas pour sa paroisse.

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FILS À BEAU-PAPA Philippe Tesson (photo), son beaupère, a tout fait pour le dissuader de se déshabille­r aux Molières. Il l’adjurait de ne pas s’abaisser à cette provocatio­n. Au vu de son numéro, il a changé d’avis. Sébastien Thiéry reconnaît qu’être le gendre de Tesson a accéléré sa carrière, mais rappelle qu’il était déjà édité par lui avant d’épouser sa fille. En somme, il n’aurait pas épousé Daphné pour être édité mais se serait fait éditer pour se marier avec elle.

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TENUE D’ADAM C’est Nicolas Bedos qui lui a demandé de se montrer dans le plus simple appareil. Sans doute parce que dans sa dernière pièce, « Deux Hommes tout nus », qui a fait un tabac cette saison, il se présentait déjà in naturalibu­s. Pour lui, la nudité de l’acteur est sinon un cache-sexe, un cache-misère qui fait oublier les faiblesses du texte. Mais il se défend d’être exhibition­niste et jure qu’il ferme la porte quand il prend sa douche.

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MINISTRE INTERDITE La direction de France Télévision­s avait été prévenue, mais Fleur n’avait pas été mise au parfum. Cet e euillage surprise n’a nullement o usqué la ministre. Qui dès le lendemain adressait un message à Sébastien Thiéry pour le prier d’excuser son manque d’entrain : venant d’apprendre la disparitio­n de son collaborat­eur Pierre-Vladimir Lobadowsky dans le séisme de Katmandou, elle n’avait pas vraiment le coeur à rire.

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PSYCHANALY­SE SAUVAGE Né du mariage d’un père cantalien, autodidact­e, successive­ment fleuriste, hôtelier et « homme d’a aires à l’auvergnate » et d’une mère « petitebour­geoise à petits principes et petit portefeuil­le boursier », il confie avoir choisi le théâtre pour se faire remarquer d’elle et dit gagner sa vie avec les failles et les douleurs qu’elle a laissées en lui : « Je lui suis plus reconnaiss­ant que je ne lui en veux. »

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COUP DE PUB Il a depuis toujours un sens aigu de la communicat­ion. Ramant à ses débuts d’acteur, l’idée lui vient de livrer le petit déjeuner à domicile, déguisé en maître d’hôtel, chez ses employeurs potentiels. Ce qui indisposer­a certains (Patrice Kerbrat, Roger Planchon, Patrice Chéreau ou encore Gérard Jugnot) mais amusera les autres. Bertrand Tavernier et Josée Dayan lui proposeron­t un rôle. Gérard Jugnot aussi, un an plus tard. Sa carrière sera lancée.

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PASSION DU JEU Le théâtre n’est pas sa seule passion. Il adore les matchs de foot (il supporte le PSG), joue au poker et surtout au tarot, et fréquente les champs de courses. Il pariait déjà avant d’avoir fait fortune. Jed Water, une pouliche de 4 ans dont il détient des parts, vient justement de courir à Saint-Cloud.

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DOULEUR SOURDE Son frère Thomas est né sourd et Loup, l’aîné des deux fils que Daphné lui a donnés, est malentenda­nt, mais leurs surdités n’ont rien à voir sur le plan médical. Etrangemen­t, Sébastien Thiéry va tenir le rôle d’un sourd dans sa prochaine pièce, « Momo », créée à la rentrée prochaine au Théâtre de Paris, avec Muriel Robin et François Berléand. Incarner son frère le trouble.

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ACTEUR DRAMATURGE Pendant des années, il a déclaré n’écrire des pièces que pour les jouer. Aujourd’hui, l’auteur a pris le pas sur l’acteur. Il prend même plus de plaisir à écrire qu’à jouer. Comme acteur, il se dit « remplaçabl­e mais pas assez mauvais pour s’exclure ».

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CLOWN TRISTE Enjoué en public, Sébastien Thiéry s’avoue sombre et angoissé dans le privé, seul avec sa femme : « Quelle drôle d’expression : seul avec sa femme ! » Son premier grand succès (« Cochons d’Inde », avec Patrick Chesnais) l’a plongé dans la dépression. « Jusque-là, je m’étais cru malheureux parce que je n’étais pas reconnu, je me suis aperçu que ce n’était pas pour ça. » Si bien qu’il s’est longtemps allongé, trois fois par semaine, sur un divan lacanien. Et qu’il fait tous les deux jours du jogging au parc Monceau. Oui, le clown est triste.

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