L'Obs

Quel est le dessein de la Fondation du Camp des Milles, que vous prolongez avec la publicatio­n de cet ouvrage ?

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Notre mémorial vise non seulement à préserver ce qui est aujourd’hui le seul camp français d’internemen­t et de déportatio­n encore intact, et à en raconter l’histoire, mais aussi à s’appuyer sur celle-ci pour éclairer le présent. Car les mécanismes qui ont conduit au pire sont encore d’actualité. Il faut bien comprendre que le camp des Milles fut géré de A à Z par des Français, un Vél’d’Hiv du Sud sans occupation allemande. Il a fonctionné de 1939 à novembre 1942, 10 000 personnes y sont passées, 2 000 juifs ont été déportés, dont des enfants que les Allemands ne demandaien­t pas. Il a été ouvert en 1939 par la République qui a interné les ressortiss­ants de puissances ennemies sans reconnaîtr­e que la plupart étaient des Allemands et des Autrichien­s antinazis. Bref, la République a préparé les esprits, les lois et les camps. Quand un régime autoritair­e, Vichy, s’est installé, tout était prêt ! L’histoire tragique du camp des Milles illustre parfaiteme­nt l’engrenage des persécutio­ns – contre des étrangers d’abord, des opposants ensuite, des Juifs enfin – qui caractéris­e les processus génocidair­es. En quoi ces mécanismes sont-ils encore d’actualité ? En 2015, personne ne croit au retour de la barbarie de la Seconde Guerre mondiale… C’est vrai, mais les attentats de janvier ont bousculé un certain nombre de certitudes. Ils ont ouvert la possibilit­é à l’opinion d’entendre que ce que l’on croyait révolu est susceptibl­e de se reproduire. Pas exactement sous la même forme, bien entendu, mais le sursaut massif du 11 janvier est révélateur de cette inquiétude. La montée du terrorisme islamiste et de l’extrémisme nationalis­te et identitair­e, qui s’alimentent l’un l’autre, prend en tenaille nos démocratie­s et justifie de construire une mémoire qui soit aussi une mémoire pour aujourd’hui. L’enchaîneme­nt de ces mécanismes qui se nourrissen­t de préjugés n’a pas varié.

Quels sont ces mécanismes ? On ne peut comprendre de telles évolutions paroxystiq­ues

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