L'Obs

Les Serbes de Serbie réalisent-ils ce qui a été commis comme massacres en leur nom en Croatie, en Bosnie ou au Kosovo ?

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Vingt ans ont passé et je crois que toutes les parties dans cette guerre sont au courant de ce qui s’est passé. En Serbie, on sait bien ce que l’on a fait aux autres et ce que les autres nous ont fait. Mais les jugements des coupables ne sont pas satisfaisa­nts, pas seulement en Serbie mais aussi en Croatie, en Bosnie et au Kosovo. Et cela ne change pas car les anciens chefs de guerre sont maintenant des politicien­s de haut rang, et pas seulement en Serbie. Les Serbes ressentent-ils un sentiment de culpabilit­é ? Il n’y a pas de culpabilit­é collective. Il y a une culpabilit­é personnell­e. Je me suis engagé dans l’opposition dès le début. Nous étions divisés entre ceux qui soutenaien­t Milosevic, ceux qui ne faisaient rien et ceux qui étaient dans l’opposition. Ceux qui ont soutenu Milosevic ne se rendent pas compte de leur responsabi­lité. Il a réussi à se maintenir plus de dix ans au pouvoir [de 1989 à 2000, NDLR]. Il a fallu les accords de Dayton [qui mettent un terme à la guerre en Bosnie-Herzégovin­e et en Croatie] en 1995 pour que la population commence à lui demander des comptes. Est-ce que les Serbes ont accepté que le Kosovo, le berceau de leur histoire, soit un pays di érent ? Mais c’est un pays di érent ! Pourtant l’histoire n’est pas finie car le Kosovo n’est pas démocratiq­ue, n’a pas de véritable justice. Les Serbes du Kosovo doivent vivre dans de bonnes conditions pour que le Kosovo aille bien. Mais, pour nous, il est di cile de comprendre pourquoi le berceau de notre culture est dans un autre pays. Un Kosovo réellement démocratiq­ue – que je ne verrai sans doute pas de mon vivant – devrait accepter que la Serbie puisse avoir une sorte d’autorité culturelle, de façon démocratiq­ue aussi, sur ses trésors culturels au Kosovo.

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