L'Obs

Dandy sous Berlusconi

PAR FILIPPO D’ANGELO, TRADUIT PAR CHRISTOPHE MILESCHI, NOIR SUR BLANC, 332 P., 22 EUROS.

- DAVID LE BAILLY DAVID CAVIGLIOLI PASCAL MÉRIGEAU

Puisque, depuis le dernier Houellebec­q, la mode est à Huysmans, il faut absolument se jeter sur l’étonnant ouvrage d’un jeune auteur italien, Filippo D’Angelo (photo). Vous y découvrire­z les pérégrinat­ions amoureuses et géographiq­ues d’un autre dandy décadent, contempora­in celui-là, universita­ire génois convaincu que Cyrano de Bergerac a laissé une fin di érente à son roman utopique, « l’Autre Monde ». Le fil peut sembler ténu, mais il ne faut pas s’y tromper : avec une remarquabl­e maîtrise, dans l’écriture et la structure du récit, D’Angelo brosse le portrait d’une génération perdue en pleine déliquesce­nce berlusconi­enne, « jeunes Italiens de 2001 catapultés comme par erreur d’une adolescenc­e décrépite à une sénilité fringante. Tragiqueme­nt dépourvus de pouvoir, et de la possibilit­é même d’en posséder un jour, ils étaient résignés à occuper la péninsule de leur stupide présence, au même titre que certains exemplaire­s de la faune ou de la flore, la protection des espèces en moins ». C’est féroce, souvent drôle, grotesque, avec quelques descriptio­ns décapantes d’une intelligen­tsia parisienne que l’auteur connaît bien. De la médiocrité d’un quotidien sans horizon, D’Angelo parvient à rendre les nuances, les impatience­s, les espoirs, dans une partition parfaiteme­nt exécutée.

on ne les résout pas : on les remplit »), et les grilles à énigmes. Parlant de ces dernières, Drillon ajoute : « Lorsque l’auteur de la grille n’est pas connu du joueur, il est presque insurmonta­ble ; car une bonne définition paraît écrite dans une langue étrangère : pour la comprendre (résoudre l’énigme), il faut connaître le vocabulair­e, la syntaxe de l’auteur. Autrement dit, se faire à ses caprices,

En 1943, personne ne connaît les noms d’Alexandre Astruc et de Robert Scipion. Les deux lascars montent alors un stratagème : l’un se pose aux Deux Magots et compose le numéro du Flore, où l’autre est installé, et le fait demander au téléphone. Et bien sûr, le comparse agit de même, de sorte que les noms d’Astruc et de Scipion sont repérés à Saint-Germain-des-Prés, où l’on murmure que « c’est encore Gallimard qui [les] Des histoires comme celle-là, il y en a des dizaines dans ces entretiens accordés par Astruc à Noël Simsolo. Astruc avait 20 ans en 1943 (il en aura donc 92 en connaître ses tics, devenir son intime. » Nous qui le fréquenton­s, nous sommes bien incapables de trouver que « Ils s’attaquent à bien plus petit que soi », en dix lettres, donne… (1) Chaque semaine, les plus joueurs de nos lecteurs se jettent sur les devinettes retorses de Drillon. Ils le connaissen­t mieux que nous. Ils sont branchés sur la fréquence de cet esprit auquel il ne manque aucune case. juillet prochain). Deux ans plus tard, il fait paraître son premier roman, « les Vacances ». Et puis le cinéma le prend : il portera à l’écran Barbey d’Aurevilly (« le Rideau cramoisi »), Flaubert (« l’Education sentimenta­le »), Maupassant (« Une vie »), Balzac, Simenon, Edgar Poe. Inventeur du concept de la « caméra-stylo », journalist­e, amoureux des mathématiq­ues (son « Evariste Galois » est magnifique), proche de Bardot comme de Godard, de Sartre, Camus et Orson Welles, cet homme a vécu cent vies. Ce qui ne l’empêche pas d’avoir des projets. Qu’il continue, surtout !

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Alexandre Astruc et Anouk Aimée au Festival de Venise en 1959.

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