Dandy sous Berlusconi
PAR FILIPPO D’ANGELO, TRADUIT PAR CHRISTOPHE MILESCHI, NOIR SUR BLANC, 332 P., 22 EUROS.
Puisque, depuis le dernier Houellebecq, la mode est à Huysmans, il faut absolument se jeter sur l’étonnant ouvrage d’un jeune auteur italien, Filippo D’Angelo (photo). Vous y découvrirez les pérégrinations amoureuses et géographiques d’un autre dandy décadent, contemporain celui-là, universitaire génois convaincu que Cyrano de Bergerac a laissé une fin di érente à son roman utopique, « l’Autre Monde ». Le fil peut sembler ténu, mais il ne faut pas s’y tromper : avec une remarquable maîtrise, dans l’écriture et la structure du récit, D’Angelo brosse le portrait d’une génération perdue en pleine déliquescence berlusconienne, « jeunes Italiens de 2001 catapultés comme par erreur d’une adolescence décrépite à une sénilité fringante. Tragiquement dépourvus de pouvoir, et de la possibilité même d’en posséder un jour, ils étaient résignés à occuper la péninsule de leur stupide présence, au même titre que certains exemplaires de la faune ou de la flore, la protection des espèces en moins ». C’est féroce, souvent drôle, grotesque, avec quelques descriptions décapantes d’une intelligentsia parisienne que l’auteur connaît bien. De la médiocrité d’un quotidien sans horizon, D’Angelo parvient à rendre les nuances, les impatiences, les espoirs, dans une partition parfaitement exécutée.
on ne les résout pas : on les remplit »), et les grilles à énigmes. Parlant de ces dernières, Drillon ajoute : « Lorsque l’auteur de la grille n’est pas connu du joueur, il est presque insurmontable ; car une bonne définition paraît écrite dans une langue étrangère : pour la comprendre (résoudre l’énigme), il faut connaître le vocabulaire, la syntaxe de l’auteur. Autrement dit, se faire à ses caprices,
En 1943, personne ne connaît les noms d’Alexandre Astruc et de Robert Scipion. Les deux lascars montent alors un stratagème : l’un se pose aux Deux Magots et compose le numéro du Flore, où l’autre est installé, et le fait demander au téléphone. Et bien sûr, le comparse agit de même, de sorte que les noms d’Astruc et de Scipion sont repérés à Saint-Germain-des-Prés, où l’on murmure que « c’est encore Gallimard qui [les] Des histoires comme celle-là, il y en a des dizaines dans ces entretiens accordés par Astruc à Noël Simsolo. Astruc avait 20 ans en 1943 (il en aura donc 92 en connaître ses tics, devenir son intime. » Nous qui le fréquentons, nous sommes bien incapables de trouver que « Ils s’attaquent à bien plus petit que soi », en dix lettres, donne… (1) Chaque semaine, les plus joueurs de nos lecteurs se jettent sur les devinettes retorses de Drillon. Ils le connaissent mieux que nous. Ils sont branchés sur la fréquence de cet esprit auquel il ne manque aucune case. juillet prochain). Deux ans plus tard, il fait paraître son premier roman, « les Vacances ». Et puis le cinéma le prend : il portera à l’écran Barbey d’Aurevilly (« le Rideau cramoisi »), Flaubert (« l’Education sentimentale »), Maupassant (« Une vie »), Balzac, Simenon, Edgar Poe. Inventeur du concept de la « caméra-stylo », journaliste, amoureux des mathématiques (son « Evariste Galois » est magnifique), proche de Bardot comme de Godard, de Sartre, Camus et Orson Welles, cet homme a vécu cent vies. Ce qui ne l’empêche pas d’avoir des projets. Qu’il continue, surtout !