Le sélectionneur
Son métier : “Voir 1 800 films et en refuser 1 750.” Objet de tous les désirs et de toutes les pressions, Thierry Frémaux est le tout-puissant délégué général du Festival de Cannes. Portrait
Thierry Frémaux pédale. Pull noir et cuissard noir, en hommage à son idole Fausto Coppi, il dévore les kilomètres dans la plaine de l’Isère, au pied du Vercors, sur son vélo, un Scott carbone de 6,4 kg qu’il a racheté à l’équipe cycliste Bretagne-Séché Environnement. Comme les champions du Tour de France, il porte un casque et des oreillettes. Sur les 50 kilomètres de son échappée solitaire, le délégué général du Festival de Cannes, avec son kit mains libres, poursuit ses « négociations ». C’est le dernier samedi avant la conférence de presse du 16 avril, qui dévoilera la sélection officielle du Festival. Frémaux téléphone et se distille en SMS. Ce mangeur de cols répond aux distributeurs, producteurs et auteurs, qui le bombardent de mails pour le convaincre que « leur film est la huitième merveille du monde ». « Je ferai tout mon possible pour faire venir Amy Winehouse sur la Croisette », lui textote avec humour le distributeur-producteur d’un documentaire sur la défunte chanteuse de soul. Une nuée de professionnels de la profession le courtisent et le traquent inlassablement, comme s’ils voyaient en lui à la fois Iron Man, Kim
Kardashian et le meilleur dealer de l’espace Schengen. Avec eux, Frémaux joue parfois
une partie de poker menteur. « Pour me convaincre, certains producteurs bluffent. Ils me disent que leur film est pris au festival de Venise. Mais il se trouve qu’Alberto Barbera
[le directeur de la Mostra, NDLR] et moi, on se parle. Donc, je sais s’ils mentent ou pas. Il y en a qui tueraient père et mère pour être dans la sélection. Cela ne me gêne pas. Il est normal qu’une productrice comme Julie Gayet se bagarre pour imposer en sélection officielle son film, ‘‘le Trésor’’, de Corneliu Porumboiu. » Frémaux affirme ne pas prendre trop au sérieux les menaces jupitériennes d’un producteur comme