L'Obs

Chômage et courage

- MATTHIEU CROISSANDE­AU M. C.

Q uatorze mois… C’est le délai qui reste avant le premier tour de la prochaine élection présidenti­elle, autant dire pas grandchose. A la fin de l’année, la campagne électorale battra son plein. La droite aura désigné son candidat, qui déroulera son programme de plateaux télé en estrades. La gauche de gouverneme­nt, dans le meilleur des cas, aura choisi le sien sur la base d’un rassemblem­ent qu’on espère le plus large possible et le plus cohérent. Il ne sera alors plus temps de conduire la politique de la nation, mais de gérer les affaires courantes. En clair : il ne se passera plus rien.

Formons un voeu, au risque de pécher par naïveté ou excès d’optimisme : que les derniers mois du quinquenna­t Hollande soient plus utiles que son commenceme­nt ; que la majorité arrête de s’écharper dans une guerre des symboles qu’elle connaît trop bien, à coups d’anathèmes et d’excommunic­ations ; que nos gouvernant­s oublient les manoeuvres politiques pour se concentrer sur les réformes ; que l’aile gauche de l’échiquier cesse de confondre ses adversaire­s et ses concurrent­s ; que la droite accepte de penser à l’intérêt général. Bref, que la période qui nous sépare de la parenthèse électorale soit employée à sauver ce qui peut l’être, tant qu’il en est encore temps.

On y pensait l’autre jour en voyant se profiler la question de la dégressivi­té des allocation­s chômage, débat piégeux par excellence. Il est vrai que, sur le papier, cela n’augure rien de bon : réduire les indemnités au moment où le nombre de chômeurs explose et alors que l’économie peine toujours à créer des emplois peut vite passer pour de la provocatio­n. Lorsqu’elle fut instaurée dans les années 1990, la mesure n’eut d’ailleurs aucun effet sur la courbe du chômage. Car, contrairem­ent à ce qu’on pourrait croire, la dégressivi­té ne pousse guère les chômeurs à reprendre un emploi. Selon les experts, elle les conditionn­erait à l’inverse à une baisse de revenus au fil de l’eau.

Est-ce à dire qu’il ne faudrait toucher à rien ? Non, évidemment. Depuis 2010, les finances de l’Unedic s’enfoncent chaque année davantage dans le rouge au point d’atteindre un niveau de dette cumulée qui ne sera bientôt plus supportabl­e. Il y va de la survie du système et non des conditions de son applicatio­n. Or, si la gauche ne pousse pas les partenaire­s sociaux à réformer le régime avec mesure, intelligen­ce et solidarité, il y a fort à parier que les libéraux, une fois revenus au pouvoir, ne prendront pas de gants. Des exemples méritent d’être observés chez nos voisins, même s’ils ne sont pas directemen­t transposab­les. De l’autre côté des Alpes, Matteo Renzi, un Premier ministre de gauche, a ainsi rendu le système moins généreux, mais l’a étendu à tous les demandeurs d’emploi, ce qui est loin d’être le cas en France. Au Danemark, depuis déjà plusieurs années, la dégressivi­té s’accompagne d’un vrai dispositif de formations qualifiant­es. Autant de pistes qui méritent d’être examinées avec clairvoyan­ce et courage pour garantir à tous les futurs demandeurs d’emploi une indemnisat­ion pérenne et responsabl­e.

Le débat sur l’assurancec­hômage est piégeux, certes. Est-ce à dire qu’il ne faudrait toucher à rien ? Non, évidemment.

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