LA DANSE DES ABEILLES
La couture a la vertu de suspendre le temps. Lors de son dernier défilé pour le printemps-été 2016, la maison Chanel a excellé dans cette interprétation d’un ra nement extrême de la slow life. On décrit un Karl Lagerfeld hyperactif, génial, en ébullition créative permanente. Le voilà porteur d’un discours écologique, renouant avec les éléments que sont l’eau, la végétation, le bois. En défenseur des abeilles menacées d’extinction, il les imagine en bijoux rebrodés sur une épaule ou une pochette. Et fait sculpter le liège en semelles compensées au talon virgule. Posée sur un gazon verdoyant, une maison traditionnelle en bois, tel un ryokan aux parois mobiles, libère de la ruche les reines et les ouvrières de l’élégance. Ruche, boîte à couture, qu’importe ? Le ballet apaisant de silhouettes toutes longilignes, progressant à petits pas, la marche freinée par des jupes crayon en tweed de couleur beige, crème ou champagne descendant jusqu’aux chevilles, est d’une harmonie parfaite. La taille marquée par une pochette d’iPhone scintillante, symptôme de leur modernité, les muses rendaient
hommage au faste scintillant des Années folles. Capes vaporeuses, dos nus libérés, décolletés soulignés se mariant à la géométrie linéaire des décennies suivantes, réinterprétées dans les vestes cinq boutons épousant le buste. Mais il n’est
pas de beau spectacle sans bouquet final. Et le tableau de fin des 75 élégantes était majestueux.