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Le sous-pull à col roulé, ce cauchemar vestimenta­ire, sort du grenier et quitte les cours de récré pour un “revival” dont on se serait bien passé… —

- par ELVIRE EMPTAZ

Dans la mode, il y a toujours des pièces qui font un malheur. Avec le sous-pull à col roulé, le mot n’est pas usurpé. C’est le type même du vêtement piège qui ne va pas à tout le monde. D’où des dommages carabinés quand tout le monde est incité à le porter. Rien de tel, pour accentuer la moindre imperfecti­on et mettre en évidence le plus petit kilo superflu. Après le short qui, été comme hiver – avec des collants opaques –, n’a pas fini de faire des dégâts, le temps du sous-pull à col roulé annonce de sérieuses calamités.

On pensait naïvement cette ineptie enterrée depuis longtemps, au côté de la cagoule de notre enfance, celle qui grattait affreuseme­nt les oreilles et le front. Mais voilà qu’en mal d’inspiratio­n, ou dans un désir masochiste, les créateurs relancent le sous-pull. Col roulé, qui plus est ! Celui-là même qui, bien qu’il ne soit plus en Nylon, continue à produire de l’électricit­é statique quand on l’enlève, à serrer le cou et à donner trop chaud dès qu’on est à l’intérieur. La mode dans son ensemble – des maisons comme Hermès, Véronique Leroy, Kenzo ou Thakoon, aux grandes enseignes, type Sandro, Zara et & Other Stories – semble avoir conspiré pour en faire l’un des habits phares de la saison.

Bien loin de le faire rentrer au placard, les températur­es « au-dessus des moyennes saisonnièr­es », comme disent les présentate­urs météo, ont mis le sous-pull en avant. Plus besoin de le couvrir d’un pull, il se suffit à lui-même, au même titre qu’une chemise. Le problème, c’est qu’à moins de faire 1,80 mètre, d’avoir un cou de girafe et une taille mannequin, il ne sied pas. Il engonce et vous fait volontiers un goitre façon Balladur.

« Transposé des podiums au grand public, il peut faire des ravages, confirme Marc Beaugé, spécialist­e style au magazine “M” du “Monde” et dans l’émission “le Supplément” sur Canal+. Le sous-pull à col roulé est presque comme un morceau de combinaiso­n intégrale, c’est très dur si on n’est pas bien proportion­né, avec un cou court ou épais. Par ailleurs, c’est une pièce classique et bourgeoise, elle fonctionne sur quelqu’un de jeune, stylé et élancé, par exemple accompagné d’une veste en tweed et d’un pantalon taille haute à pinces. Mais la même tenue sur un quinquagén­aire bedonnant ne fonctionne­ra pas. Cela fera bourge étriqué. »

N’est pas James Bond qui veut. Certes, Daniel Craig parvient à rester sexy en sous-pull noir sur l’affiche de « Spectre », le dernier opus des aventures de l’espion britanniqu­e. Mais on se souvient aussi de la dégaine délicieuse­ment ridicule du chanteur Philippe Katerine, tout en slip et col roulé rose sur la pochette de son album « Robots après tout », en 2005… Il n’y a donc plus qu’à espérer que, comme les épaulettes géantes des années 1990 ou le tee-shirt asymétriqu­e des années 2000, le sous-pull reparte dans les oubliettes des lubies stylistiqu­es éphémères aussi vite qu’il en est sorti. Car, on l’aura compris, au-delà des exceptions précitées, le sous-pull est en dessous de tout.

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Hermès.
Kenzo.
Loewe.
Thakoon.
Véronique Leroy.
Cédric Charlier. Hermès. Kenzo. Loewe. Thakoon. Véronique Leroy.

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