LES BONNES MANIÈRES
Chassez le naturel
Les designers ont réveillé le fauve qui sommeillait en eux. Des scènes, dignes d’un tableau du Douanier Rousseau se sont invitées dans la déco : imprimés léopard sur des fauteuils et commodes Louis XV (Moissonnier), fleurs et plantes tropicales sur des poufs, coussins ou tapis (Missoni), libellules, gecko, grenouilles et scorpions au milieu de la végétation chez Dedar, maison italienne spécialisée dans le tissu d’ameublement, tandis que la marque française de papiers peints Pierre Frey, elle, s’o re une immersion dans les forêts exotiques d’Amérique du Sud… Le sauvage inspire. Entre forêt sacrée et jungle magnifiée, l’esthétique du raw – du brut –, du primitif, investit le champ du design comme un pied de nez au tout-technologique. Jamais avares de tendances ni de concepts, les cadors décrypteurs de décors ne parlent même plus d’envie d’écologie mais de paléontologie ! Cela va chercher loin…
Dans cette veine, les designers célèbrent la nature à leur façon, magnifient les matières primaires – terre, pierre, béton et marbre. Ce dernier, continue de s’imposer sur les tables, consoles, luminaires, accessoires et même textiles à e et trompe-l’oeil. Les formes, elles aussi, célèbrent dame Nature : la veuve du peintre Balthus, Setsuko Klossowska de Rola, livre cinq vases façon tronc d’arbre pour Astier de Villatte, le fabricant Enne propose une chaise sculpture en forme de branche, quand ce n’est pas un oiseau de paradis qui se niche à l’intérieur d’une lampe chez Eno Studio. La simplicité dépouillée s’a che également : tel le guéridon « Star » et son plateau en marbre signé Olivier Gagnère pour Coédition, le « Lover Seat » en bois brut totalement modulable chez Wewood, voire la console imaginée par le studio de design expérimental Alcarol, figeant bois et végétal dans du verre ou du Plexiglas. Venus du Nord, de jeunes créateurs proposent des créations inédites, sublimées par l’artisanat ou l’écologie. Le Danois Jonas Edvard fait pousser des champignons comestibles sur sa lampe biodégradable « MYX », et mélange papier et algues récupérées sur les côtes danoises pour en faire des chaises. Quant au duo norvégien Kneip, il utilise des matières abandonnées (bois, cuivre) en jouant de leur oxydation pour les métamorphoser en mobilier aux lignes abstraites.
Certes, tout cet ensauvagement créatif peut laisser de marbre. Tous les goûts sont dans la nature.