VINCENT CESPEDES, L’ENTREPRENEUR PHILOSOPHE
On ne sait pas pourquoi cela l’agace d’être vu comme un entrepreneur. Le mot lui paraît étriqué en comparaison de son ambition : « Je veux changer le monde. L’argent est juste un levier pour amplifier l’impact de ma philosophie », explique Vincent Cespedes. Voilà quatorze ans que l’ex-prof de philo a quitté l’Education nationale pour écrire un ou deux livres chaque année, sur la jeunesse, l’ambition, la masculinité ou le bonheur. Ne vendant pas assez pour vivre de sa plume, il donne en parallèle 80 conférences par an, dont une cinquantaine en entreprise, facturées de 1000 à 5 000 euros la prestation en fonction des moyens du client. C’est au moment où il commençait à en vivre confortablement qu’il a décidé de créer la société Matkaline, à l’été 2014. «Pour changer le monde,il faut développer des activités et s’appuyer sur des gens, analyse-t-il. J’ai bien envisagé d’utiliser des bénévoles comme Onfray à l’université de Caen mais en définitive cette manière de procéder ne crée rien et sert juste à entretenir sa propre gloire. » Cespedes a investi plusieurs dizaines de milliers d’euros dans de nouveaux supports destinés à diffuser sa pensée : un site, une application pour mobile et des ateliers interactifs avec des jeunes autour de la notion de valeurs personnelles. Les résultats de ces ateliers lui serviront à nourrir un prochain livre et aussi ses conférences dans le privé. En attendant que le cercle vertueux ne s’enclenche, « Vincent n’a jamais été aussi à découvert», confie son associée dans Matkaline, Hà Giang, qu’il appelle affectueusement « ma patronne ». Chargée de la comptabilité, elle lui a versé l’an dernier un salaire moyen de 1500 euros brut. Pas de quoi lui permettre de quitter son 45-m2 du 11e arrondissement où il est un peu à l’étroit avec ses deux jeunes enfants. «J’espère pouvoir l’augmenter en 2016», sourit, bienveillante, la patronne. Au passage, celle-ci résume la philosophie du duo: «Notre rêve n’est pas de faire beaucoup de bénéfices mais de toucher plein de gens qui nous diront: votre système de pensée nous a fait du bien. » C. M.