L'Obs

À UNE HEURE INCERTAINE

- PAR CARLOS SABOGA JÉRÔME GARCIN

Drame historique portugais, avec Grégoire Leprince-Ringuet, Judith Davis, Joana Ribeiro (1h15).

En 1942, le Portugal du dictateur Salazar a choisi de faire l’autruche, mais sa police (la terrible Pide) traque sans relâche tous les étrangers qui pourraient menacer sa neutralité. L’inspecteur Vargas (Paulo Pires) met la main sur deux jeunes Français, Boris (Grégoire Leprince-Ringuet) et sa soeur Laura (Judith Davis), dont les parents ont été arrêtés sur la Côte d’Azur et déportés. Soupçonnés à tort d’être des agents, ils opposent au flic un flegme et une ironie de classe. Bourgeois ils étaient, bourgeois ils restent, même dans la peine. Or Laura est une élégante beauté brune aux yeux bleus. Elle subjugue l’inspecteur Vargas, qui l’exfiltre discrèteme­nt, elle et son frère, pour les cacher chez lui. Chez lui, c’est-à-dire dans un vieil hôtel désaffecté où sa femme est paralysée et leur fille Ilda (photo ci-dessus), très jalouse des aventures qu’elle prête à son père. L’adolescent­e ne tarde d’ailleurs pas à découvrir, dans une remise du jardin, les deux réfugiés français. Dès lors, elle va tout faire pour qu’ils partent, pour qu’ils s’éloignent de ce père dont elle exige un amour exclusif. Pour son deuxième long-métrage après « Photo », Carlos Saboga a choisi de filmer un huis clos qui pourrait être angoissant et qui est surtout mélancoliq­ue. Comme la rencontre fantomatiq­ue, dans un no man’s land, des personnage­s de Tchekhov et de Simenon. Avec ce drame où tout est suggéré, où chacun semble chuchoter pour ne pas réveiller la guerre qui gronde au loin, où il ne faut pas se fier aux apparences (le glacial Sargas est un homme brisé et les deux exilés français n’oublient pas d’être heureux), Carlos Saboga, qui a plus de talent que de moyens, signe une troublante oeuvre au noir.

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