L'Obs

Dette brûlée

DETTE. 5 000 ANS D’HISTOIRE, PAR DAVID GRAEBER, TRADUIT PAR FRANÇOISE ET PAUL CHEMLA, BABEL, 668 P., 11,70 EUROS.

- DAVID CAVIGLIOLI

Où est passée notre dette? On n’en parle plus. Il y a deux ou trois ans, la dette publique était le noeud de notre malheur national. Rembourser était notre lugubre destin. On citait Deleuze : « L’homme n’est plus l’homme enfermé, mais l’homme endetté. » On débattait avec fièvre d’un éventuel défaut, de notre souveraine­té financière. Débiteurs historique­s, nous étions tous devenus des experts du découvert, des philosophe­s de l’agio. Au pic de notre désespoir était apparu l’essai de l’anthropolo­gue américain David Graeber. La dette, dit-il, repose sur l’idée qu’elle est créatrice d’une obligation morale indépassab­le, si indépassab­le qu’elle justifie les comporteme­nts les plus immoraux – pour s’en convaincre, il su t de regarder un film de mafia ou d’étudier de près la question de la dette du tiers-monde. Graeber regarde donc d’où vient cette idée, remonte jusqu’en Mésopotami­e, va voir dans les cultures non occidental­es comment la dette est perçue. Avec un objectif, constant dans son oeuvre : nous mettre face à notre propre bizarrerie.

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« Le Prêteur et sa femme », 1514.

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