Un chef-d’oeuvre inconnu?
David Foenkinos imagine le triomphe posthume d’un manuscrit refusé par les éditeurs. Un roman drôle et malicieux
On dit qu’il y existe deux épreuves majeures pour un écrivain : l’échec et le succès. Le triomphe mondial de « Charlotte », prix Renaudot et Goncourt des lycéens 2014, a coupé toute inspiration à David Foenkinos (photo) pendant un an. Cependant, la lecture de « l’Avortement » de Richard Brautigan a fait jaillir l’étincelle salvatrice qui l’a remis en selle. Elle lui a permis de concevoir une sorte de roman du roman, d’évoquer les vicissitudes de la vie d’un auteur, le destin parfois invraisemblable d’un ouvrage et de révéler les facettes plus ou moins lumineuses du monde de l’édition. De montrer surtout combien le best-seller est une bombe qui fait exploser la vie de son créateur et de son entourage. La littérature est à manier avec précaution. Certains livres sont des colis piégés. Comme ce récit réjouissant, à la fois fable humoristique et polar. On y voit Jean-Pierre Gourvec, l’érudit breton de Crozon, constituer, en hommage à Brautigan, une bibliothèque des livres refusés. Riche de près de mille manuscrits, cette Mecque des écrivains ratés attire l’attention de Delphine, une jeune éditrice en vacances dans la région avec son fiancé. Ensemble, ils visitent cette collection de textes improbables. Et par hasard, y dénichent un chef-d’oeuvre intitulé « les Dernières Heures d’une histoire d’amour ». Intriguée, Delphine enquête sur l’auteur, un certain Henri Pick. Elle n’aura pas à aller loin. L’homme est propriétaire d’une pizzeria à Crozon. Hélas, le génie méconnu est mort depuis deux ans. Madeleine, sa veuve, apprend avec stupeur que son mari écrivait. Pourquoi n’en a-t-il jamais rien dit ? Flairant un coup superbe, Delphine décide de publier le livre chez Grasset, où elle travaille. La carrière posthume d’Henri Pick est foudroyante. Toutefois, le personnage réserve encore bien des surprises. Et si toute cette a aire n’était qu’une supercherie ? Rouche, un journaliste littéraire parfaitement antipathique, s’attache à le prouver. Foenkinos se lâche et retrouve sa vis comica au fil des pages de ce roman tonique et malicieux. L’auteur d’« Inversion de l’idiotie » y délivre une vision hilarante des coulisses d’un milieu littéraire qui ne lui a pas toujours fait de cadeaux.