C’est la guerre
A WAR, PAR TOBIAS LINDHOLM. DRAME DANOIS, AVEC PILOU ASBAEK, TUVA NOVOTNY, DAR SALIM (2H00).
Une guerre ? Quelle guerre ? Ces moments d’ennui et de chaos en Afghanistan ? Cette mélancolie rageuse qui règne au foyer, si loin ? Ces enfants qui jouent près d’un mirador, où un sniper guette ? Ces juges qui veulent établir une vérité o cielle, là-bas, au Danemark ? Le film de Tobias Lindholm échappe à toutes les classifications, à tous les clichés du cinéma de guerre : il n’y a ni héros ni salauds, juste la poussière du désert, la brume des montagnes, le feu de l’action, le sang des hommes et l’amertume des actes. Deux parties : dans la première, l’o cier Pedersen (Pilou Asbaek, photo), commandant d’une section dans la province du Helmand, au sud-ouest de Kaboul, décide de participer aux patrouilles sur le terrain, pour manifester sa solidarité avec ses fantassins. Sa femme Maria (Tuva Novotny, photo), à Copenhague, lutte pour élever ses trois enfants. Pedersen doit faire face à des choix sur le terrain : cette famille afghane, menacée d’être exécutée par les talibans, qui demande refuge aux soldats, peut-elle être hébergée ? Le règlement dit non. Le coeur dit oui. Plus tard, Pedersen, sous le feu de l’ennemi, demande une frappe aérienne. Résultat : onze morts civils. D’où la deuxième partie du film : la cour martiale. Pedersen a-t-il méjugé la situation ? Il risque des années de prison. Dans la grisaille de la salle d’audience, sous les néons, la guerre est désincarnée. Les débats sont ternes. La vérité, absente. Tout est aseptisé. L’homme déchiré par une mine, le taliban qui a pris un enfant en otage, la jeune Afghane blessée, et ces assaillants constamment invisibles, tout s’e ace devant la cour ; il ne reste que la loi, par essence injuste. Tobias Lindholm, le réalisateur, ne tranche pas.
Nous ne sommes ni dans « American Sniper » ni dans « Apocalypse Now » : le cinéaste danois observe cet événement, authentique, d’ailleurs (les soldats sont joués par de vrais militaires, sauf les rôles principaux). Et, avec respect, il recule sa caméra. Comme dans ses films précédents (« R », l’univers carcéral ; « Hijacking », la piraterie en Somalie ; « la Chasse », la traque d’un pédophile), Lindholm ne charge personne, ne défend aucune cause. Il laisse le spectateur, vous, moi, avec ses incertitudes, sa liberté, son inconfort. Il y a là une démarche de dignité, une question de hauteur. Et puis, non loin de Kandahar, le cerf-volant d’un gamin s’abat sur un arbre, le vol est foutu. Tout est dit.