L'Obs

C’est la guerre

A WAR, PAR TOBIAS LINDHOLM. DRAME DANOIS, AVEC PILOU ASBAEK, TUVA NOVOTNY, DAR SALIM (2H00).

- FRANÇOIS FORESTIER

Une guerre ? Quelle guerre ? Ces moments d’ennui et de chaos en Afghanista­n ? Cette mélancolie rageuse qui règne au foyer, si loin ? Ces enfants qui jouent près d’un mirador, où un sniper guette ? Ces juges qui veulent établir une vérité o cielle, là-bas, au Danemark ? Le film de Tobias Lindholm échappe à toutes les classifica­tions, à tous les clichés du cinéma de guerre : il n’y a ni héros ni salauds, juste la poussière du désert, la brume des montagnes, le feu de l’action, le sang des hommes et l’amertume des actes. Deux parties : dans la première, l’o cier Pedersen (Pilou Asbaek, photo), commandant d’une section dans la province du Helmand, au sud-ouest de Kaboul, décide de participer aux patrouille­s sur le terrain, pour manifester sa solidarité avec ses fantassins. Sa femme Maria (Tuva Novotny, photo), à Copenhague, lutte pour élever ses trois enfants. Pedersen doit faire face à des choix sur le terrain : cette famille afghane, menacée d’être exécutée par les talibans, qui demande refuge aux soldats, peut-elle être hébergée ? Le règlement dit non. Le coeur dit oui. Plus tard, Pedersen, sous le feu de l’ennemi, demande une frappe aérienne. Résultat : onze morts civils. D’où la deuxième partie du film : la cour martiale. Pedersen a-t-il méjugé la situation ? Il risque des années de prison. Dans la grisaille de la salle d’audience, sous les néons, la guerre est désincarné­e. Les débats sont ternes. La vérité, absente. Tout est aseptisé. L’homme déchiré par une mine, le taliban qui a pris un enfant en otage, la jeune Afghane blessée, et ces assaillant­s constammen­t invisibles, tout s’e ace devant la cour ; il ne reste que la loi, par essence injuste. Tobias Lindholm, le réalisateu­r, ne tranche pas.

Nous ne sommes ni dans « American Sniper » ni dans « Apocalypse Now » : le cinéaste danois observe cet événement, authentiqu­e, d’ailleurs (les soldats sont joués par de vrais militaires, sauf les rôles principaux). Et, avec respect, il recule sa caméra. Comme dans ses films précédents (« R », l’univers carcéral ; « Hijacking », la piraterie en Somalie ; « la Chasse », la traque d’un pédophile), Lindholm ne charge personne, ne défend aucune cause. Il laisse le spectateur, vous, moi, avec ses incertitud­es, sa liberté, son inconfort. Il y a là une démarche de dignité, une question de hauteur. Et puis, non loin de Kandahar, le cerf-volant d’un gamin s’abat sur un arbre, le vol est foutu. Tout est dit.

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