LES BONNES MANIÈRES
Back to basics
Un grain flou, de larges vestes de cuir noir, des coupes de cheveux à la serpe façon « Prince de Bel-Air ». Non, il ne s’agit pas du dernier épisode de « Highlander », la série cryptofantastique de 1992, mais de « M. City Citizen », l’un des clips français les plus brillants de cette décennie. En 4 min 45 s, les Big Budha Cheez, duo pointu de rappeurs de Montreuil, enregistrent sur bande magnétique leurs allées et venues sur périph en Audi cabriolet, n’oubliant pas de filmer, à grand renfort de flou gaussien, leurs soirées poker et canapé où une unique bouteille de Ballantine’s se reflète sur l’écran de verre d’une « télé coin carré », pour reprendre l’expression consacrée par Doc Gyneco. Dans la foulée, fin 2014, c’était au désormais fameux Nekfeu de sortir « Time B.O.M.B. », un clip entièrement réalisé sur bandes et dont même les samples rappelaient le générique de « Oz », seule production, avec « The Wire », à pouvoir prétendre à la première place du classement des meilleures séries au monde depuis sa di usion sur HBO en juillet 1997.
Ce qui aurait pu ne rester qu’un épiphénomène esthétique s’est démocratisé, s’infiltrant durablement dans l’univers réputé impénétrable des branchés, qui (re)plongent tête baissée dans cet océan technologique qui avait révolutionné leur adolescence. Ainsi, alors que l’iPhone 6s impressionne avec ses vidéos en « 4K » (de la ultra-haute définition), de nouvelles applications de retouches voient le jour, VHS Camcorder en tête, permettant alors à des millennials, qui n’ont sans doute jamais vu un caméscope, de donner l’impression que leurs vidéos ont été tournées à l’époque de « Hartley, coeurs à vif ».
Cette application a été rendue célèbre par le rappeur américain Wiz Khalifa qui, sur son compte Instagram, se filmait déambulant sur son hoverboard dans les allées de l’aéroport de Los Angeles, l’été dernier. Une astuce qui lui conférait immédiatement l’aura trash des rock stars d’avant. Et c’est sur ce même réseau social que certains rapprivoisent l’appareil photo jetable, réédité depuis peu chez Urban Outfitters ou chez Fleux. Et certains ont su exploiter le filon. Ainsi, la start-up française Lëkki s’est donné pour mission de remettre à neuf… les objets les plus cultes des années 1990, du Nokia 3310 à la première Playstation, en passant par les Game Boy de Nintendo. Des modèles revendus entre 60 et 150 euros et qui ont, en plus d’être cool, le mérite de s’inscrire dans une logique de développement durable. Rien d’étonnant alors que même du côté hardware musical, certains produits mythiques signent leur retour. Ce 27 mai, Records Collection, le label de la très hype agence de communication parisienne Dcontract, sortait sa première compilation sur cassette audio. « Une manière d’événementialiser cette première production avec un objet ludique et tangible, qui nous rappelle tous quelque chose », appuie Nicolas Nekmouche à la direction artistique. Et même si c’est sur iTunes que cette compilation se placera en cinquième position des ventes Apple Store la semaine de sa sortie, il faut avouer que l’objet fait son e et. Allez, on rembobine.