L'Obs

Contagion en chaîne chez les Quemerais

- BÉRÉNICE ROCFORT-GIOVANNI

Mère, père, filles : chez les Quemerais, tout le monde lutte contre Lyme. Frédéric, 42 ans, en est convaincu, même si ce n’est pas prouvé officielle­ment : il a infecté sa femme par voie sexuelle, puis leurs deux filles de 12 et 14 ans ont été exposées à la bactérie in utero. Ce contrôleur aérien au centre de navigation de Reims est l’un des quelque 250 plaignants contre le laboratoir­e BioMérieux, fabricant des tests de diagnostic Elisa. Tout commence il y a seize ans, lors d’un pique-nique. Frédéric se fait mordre par une tique sur l’omoplate. « Je l’ai arrachée sans précaution, puis je n’y ai plus prêté attention, d’autant que la piqûre n’a pas provoqué d’érythème. » Très vite, les premiers symptômes apparaisse­nt. « Ça me brûlait dans le dos, puis j’ai eu des douleurs articulair­es intenses, des bourdonnem­ents, j’étais rouillé, comme lors d’une grippe. » Frédéric consulte son généralist­e, mais omet de lui parler de la piqûre. Des mois plus tard, un neurologue le met sur la piste de Lyme. Frédéric passe alors le test Elisa, qui revient négatif. « En six ans, j’ai vu quatre-vingts médecins : rhumatolog­ues, neurologue­s, urologues, dermatolog­ues… J’avais des problèmes de mémoire, je ne pouvais plus conduire, j’étais épuisé après avoir marché dix minutes. » Déclaré inapte à son travail, Frédéric est relégué dans les bureaux, plus question de guider les avions. Son généralist­e l’envoie en dernier recours à l’hôpital de Garches consulter le professeur Perronne. Enfin, le diagnostic est posé. Frédéric doit suivre pendant deux ans un traitement de choc : antibiotiq­ues, antiparasi­taires, antifongiq­ues et complément­s alimentair­es. « Tous mes symptômes ont régressé, j’ai été tranquille pendant neuf ans. » L’an passé, après un marathon, il rechute. Désormais, il se rend tous les trois mois à Garches avec sa femme. Car, à peine un an après la piqûre de Frédéric, Véronique, professeur des écoles, s’est elle aussi sentie mal. « J’avais des douleurs uro-génitales, des vertiges, des tendinites. » Véronique passe à son tour le test Elisa, qui revient… positif. « Alors que je ne me souviens pas avoir été piquée par une tique ! » Malgré son immense fatigue, elle se voit refuser un congé maladie longue durée. Chez leurs filles, les troubles se sont déclarés juste après la naissance. « Tremblemen­ts, infections ORL, puis acouphènes, somnambuli­sme. » Epuisée, la famille n’est pas partie en vacances depuis deux ans et passe ses soirées à la maison. Dans sa tête, Véronique se refait le film : « Si Frédéric avait été correcteme­nt diagnostiq­ué dès le début, on n’en serait pas là. »

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