L'Obs

PAR JÉRÔME GARCIN

- J. G. HUMEUR

Laure Adler n’imagine pas prendre ses quartiers d’été ailleurs qu’à Avignon, où elle a même acheté une maison dans un village voisin pour se rapprocher du Palais des Papes. Ce festival, c’est en e et sa vie. La première fois qu’elle y est allée, elle avait 18 ans. Elle débarquait de Côte d’Ivoire, où elle avait grandi et pleuré, avec « Paris Match », la mort de Gérard Philipe. Le bac en poche, elle était montée dans la 2CV d’un copain, avait planté sa tente sur l’île de la Barthelass­e et mis des bracelets indiens à ses chevilles. On était en juillet 1968. Fascinée, éberluée, épuisée, elle avait célébré cette grande fête du théâtre à ciel ouvert, vécu en apesanteur dans « un temps suspendu », et assisté à l’odieuse crucifixio­n de son dieu, Jean Vilar. « Je n’ai pas fait un geste pour lui manifester mon admiration. Encore aujourd’hui, j’en ai honte », écrit Laure Adler dans « Tous les soirs » (Actes Sud, 13 euros). Seul remords persistant au seuil d’un petit livre plein de gratitudes indélébile­s. A l’égard des maîtres disparus (Vitez, Chéreau, Bondy) et des contempora­ins capitaux (Mnouchkine, Brook, Ostermeier ou Pommerat), dont elle recueille ici la parole. Car ce n’est ni à l’Elysée, où elle fut la conseillèr­e de Mitterrand, ni à la radio ou dans l’édition, où elle a exercé des postes de pouvoir, que Laure Adler a senti battre son coeur, trouvé son énergie, connu la ferveur, désappris ses certitudes, cru à un monde meilleur et plus beau. C’est seulement au théâtre, si justement appelé « la maison du peuple » par Ariane Mnouchkine, et dont Avignon figure le grand jardin.

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