L'Obs

Meryl Streep chante faux

FLORENCE FOSTER JENKINS, PAR STEPHEN FREARS. BIOPIC ANGLAIS, AVEC MERYL STREEP, HUGH GRANT, SIMON HELBERG, REBECCA FERGUSON (1H50).

- PASCAL MÉRIGEAU

Meryl Streep et Stephen Frears n’y peuvent rien, mais leur évocation de celle qui, selon un critique musical américain, « chantait comme un million de porcs » sent forcément le réchau é. Catherine Frot, Xavier Giannoli et leur « Marguerite » sont passés par là, et peu importe que « Florence Foster Jenkins » soit plus fidèle à la vérité historique. « La reine des brailleuse­s », autre surnom donné à la dame, s’y montre voilée de beige et appareillé­e de ses fameuses ailes d’ange dorées, suspendue à un câble descendant des cintres. L’entrée en scène évoque celle de la Nana de Zola. Elle o re surtout à Meryl Streep d’apparaître à l’écran comme la diva qu’elle est en e et, statut que l’actrice ne perd certes jamais de vue. Qu’elle incarne Margaret Thatcher ou Florence Foster Jenkins, la star fait preuve du même engagement et d’un enthousias­me semblable, et active des ressorts identiques. La chanteuse dont elle reproduit les couacs a 76 ans : le film se concentre en e et sur ce qui va être son plus grand triomphe (si l’on veut…), ce récital donné par elle au Carnegie Hall le 25 octobre 1944. Triomphe, oui, et chant du cygne aussi. Le tout organisé et dessiné par le singulier St. Clair Bayfield, acteur shakespear­ien raté qui demeura trente-six ans à ses côtés en qualité de premier admirateur, manager et mari, que la syphillis de madame (contractée auprès d’un premier époux) privait de plaisirs qu’il trouvait ailleurs. Hugh Grant livre dans le rôle une compositio­n estimable qui entretient le mystère quant à l’impression produite sur lui par la chanteuse (la jugeait-il aussi épouvantab­le que tout le monde ?) et sur la nature réelle d’une relation aux allures de partenaria­t.

A travers lui comme à travers le personnage d’un critique musical sans complaisan­ce, le film pose la question, à laquelle il se garde bien de répondre, de l’attitude à adopter face à l’absence manifeste de talent. Florence Foster Jenkins n’était certes pas la grande soprano qu’elle croyait être, mais sa fortune servait son ambition et lui assurait les moyens de clore le bec de ceux qui n’y voyaient que prétention déraisonna­ble. Avant tout et surtout, elle était une passionnée de chant et d’elle-même. Voilà qui convient bien à Meryl Streep, laquelle règne sans partage sur ce film irréprocha­ble, mais dépourvu de cette passion qui, précisémen­t, fondait Mrs Jenkins.

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