LES FRICHES, C’EST CHIC
Entrepôts en ruine, voies de chemin de fer : les friches industrielles sont converties en terrain de jeu pour fêtards, artistes ou familles décontractées. A quoi doit-on leur seconde vie?
Le dimanche, c’est la cohue à Grand Train (1), dans le 18e arrondissement parisien. Au niveau des voies de chemin de fer se dévoilent de majestueuses halles qui accueillent épiceries et restaurants, comme la fabrique à empañadas The Asado Club ou la cantine coréenne Jules et Shim. Des locomotives anciennes rutilent, des poules caquettent. Et les familles attifées en A. P. C. s’assoient à même les rails, avec vue sur des tours de logements sociaux. Le bonheur. Jusqu’ici, les artistes investissant les lieux en friche se faisaient expulser sans ménagement. A Grand Train, la SNCF est entrée en « coprod » avec l’équipe de Ground Control pour faire vivre ce lieu, qui a réjoui 200 000 visiteurs l’été dernier.
Que s’est-il passé ? Rien moins qu’une révolution à la SNCF, qui a créé il y a un an une entité chargée de gérer son patrimoine ferroviaire inutilisé. Comme un cadeau, 14 sites furent mis à disposition des porteurs de projets culturels. « Il y a eu un avant/après, explique Carine de Jessey, directrice de la communication de SNCF Immobilier. Cette décision politique a été prise au plus haut niveau. Cela a permis d’o rir à ces sites une deuxième vie, avant qu’ils ne reviennent à la ville. » Car, dans quelques mois, cet incroyable espace sera converti en écoquartier. Autre terrain de jeu SNCF, très artistico-festif: l’ancienne gare des Mines de la Porte d’Aubervilliers, rebaptisée « La Station » (2). Autour du site, des bureaux et, non loin, un camp de Roms : le soir, le quartier est plutôt désolé… Mais le week-end, 400 fêtards viennent y écouter de la musique alternative. Son bâtiment est devenu un lieu d’expo et sa cour accueille quelques food trucks, un bar et des transats rayonnant autour d’une grande scène pour les live… Derrière ce lifting, on retrouve Olivier Le Gal du Collectif MU, qui se dédie à la création sonore. « Nous avons signé une occupation temporaire de six mois, qu’on aimerait prolonger. Nous ne versons pas de loyer, mais nous leur donnons 20% des bénéfices. »
Halle Papin à Pantin (3), avec musique et barbecues, Friche Miko (4) au bord de l’Ourcq où se discute le futur de l’architecture dans la ville la journée avec dj sets le soir, La Réserve Malako (5), hangar de 2 000 m2, avec street art et terrains de pétanque… Les friches renaissent de leurs cendres. Aux Grands Voisins, dans le 14e arrondissement, les 3 hectares de l’ancien site de l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul accueillent un vrai village de 1000 personnes, chapeauté par l’association Aurore qui y a ouvert 5 centres pour personnes en insertion. A leurs côtés, on trouve des espaces artistiques, du coworking, des entreprises solidaires, des médias innovants, une ferme urbaine : en tout, 130 structures… et un couvent de religieuses. « C’est la première fois qu’une telle initiative mélange personnes en insertion, salariés lambda et visiteurs. C’est une gestion collaborative, basée sur le participatif », explique Florie Gaillard, chargée de la programmation. Les friches ont la cote, espérons que toutes ne seront pas converties à terme en copropriétés. Nos barbecues artistico-urbains en dépendent. (1) Grand Train/ Ground Control, 26ter, rue Ordener, Paris 18e. (2) La Station, 29, avenue de la Porte d’Aubervilliers, Paris 18e. (3) La Halle Papin, 62, rue Denis-Papin, Pantin. (4) La friche Miko, 151, rue de Paris, Bobigny. (5) La Réserve Malakoff, 7, rue Paul-Bert, Malakoff. 6) Les Grands Voisins, 82, avenue Denfert-Rochereau, Paris 14e.