LES TOQUÉS DE L’ASSIETTE (1/4)
Les véganes
Impossible de les contourner : les vidéos d’agonie de petites vaches, salement égorgées dans un abattoir, colonisent vos réseaux sociaux. « L’association de défense des animaux L214, qui comptabilise plus de 550000 likes sur sa page Facebook, en di use régulièrement », explique Renan Larue, professeur d’introduction aux études véganes à l’université de Californie, à Santa Barbara. Cette vision du septième cercle de « l’Enfer » de Dante, l’ordinaire de l’élevage, est devenue l’un des facteurs pricipaux de la conversion végane, ce mode de vie qui impose de ne consommer que des produits d’origine végétale. « Mes étudiants le sont devenus à cause de ces images, mais aussi pour des raisons de santé ou parce qu’ils sont sensibles à la cause environnementale. Ou par e et de mode, car les vidéos YouTube de belles véganes sont très alléchantes. »
Aux Etats-Unis ou au Canada, la déferlante du « cruelty-free » est bien en avance sur la France. Miley Cyrus, Joaquin Phoenix, Ellen DeGeneres et les soeurs Williams médiatisent leur régime vert. La Grande-Bretagne compte aujourd’hui 542 000 véganes. Novak Djokovic a ouvert un resto sans produit animal à Monaco. En France, on approche di cilement les 3 à 4% de végétariens ou véganes, mais 10% de la population française envisage de devenir végétarienne (1). Parmi les végétaliens, nombreux sont les humanistes respectueux de l’environnement qui a chent un look sans produit animal : exit fourrure, cuir, plume, écaille… Di cile de parler de lubie : Pythagore, au Ve siècle av. J.-C., professait déjà le véganisme.
Mais réformer son régime exige la domestication d’une nourriture ovniesque. « Des aliments comme le tofu, le tempeh et le seitan remplacent parfaitement la viande en termes de texture et d’apport en protéines, assure Marie Laforêt, la star de la cuisine végane, auteure de plusieurs livres de recettes. Les alternatives aux produits laitiers sont les laits végétaux, les margarines bio… » A la place des oeufs en neige, le jus de conserve de pois chiche permet de réaliser meringues ou macarons. France de Griessen, chanteuse de rock et végane, fait part de ses fétiches alimentaires : « Les fruits secs, le citron, le lait d’amande, les épices et les herbes fraîches pour cuisiner, les diverses protéines végétales… »
Alléluia, les véganes français ont désormais leurs recettes et leurs restos. La capitale a vu éclore une « veggie town » hipsterisée au sein des 10e et 11e arrondisssements. On y croise un mélange de businessmen, de bandes d’amis, d’hyperactives sortant du yoga… Même le palace Shangri-La propose des options véganes.
Et partout les lieux fourmillent. « J’ai mes favoris, comme Hank Vegan Burger, dans le 3e, des burgers végétaux divins et festifs, lance France de Griessen. Ou la boulangerie Vegan Folie’s, dans le 5e, qui propose mu ns, cheesecakes végétaux, glaces… » Les branchitudes culinaires y abondent : « La junk food végane est populaire : on le voit avec les restaurants de burgers, kebabs ou donuts, souligne Marie Laforêt. La tendance crue et healthy est aussi très présente, avec des restaurants comme le 42 Degrés ou la pâtisserie RawCakes. La demande est forte pour les fromages véganes artisanaux : ceux de Jay & Joy font un vrai carton. »
Dernière embûche pour le végane : partager un repas avec des amis omnivores. « Même si je me fichais des animaux, de la compassion et de l’écologie, l’idée d’ingérer de la chair morte, une joue ou un cul rôti, ou encore un organe malade – le foie gras, même s’il est présenté comme un produit de luxe, n’est pas autre chose – me révulse profondément », déplore France de Griessen. L’avenir sourira-t-il aux véganes? Renan Larue est optimiste : « La vente de viande par individu baisse. Des start-up, comme Gardein ou Beyond Meat, sponsorisé par Bill Gates, commencent à fabriquer de la viande à partir de végétaux. Meilleur pour la santé, pas d’hormones, pas d’antibios, moins gras : pourquoi se priver? » Les petites vaches vous remercient d’avance. (1) Sondage OpinionWay pour « Terra Eco », 2016.