L'Obs

LA GROTTE À PAPA

- JACQUES DRILLON

Forcément, il y a le tout et les parties : le visible et l’invisible, et ce qu’on y fait, ce qu’on en fait. Comment on s’y perd. Comment on s’y sent. Le sexe féminin, outre qu’il est boîte à noeuds, boîte à ouvrage, boîte à popaul, est boîte à métaphores et métonymies, apparemmen­t toutes inventées par les messieurs. Sous les petits noms gentils qui ne veulent rien dire, le bonbon, le minet, la petite soeur, la coucoune, le frissonnet, se cache un endroit mystérieux : le triangle des Bermudes, la trappe, l’atelier de Vénus, l’enfer, la bouche de métro. C’est un mistigri, ce fri-fri. Un pertuis que les hommes passent, un guichet, une lucarne, une écoutille qu’ils soulèvent en tremblant (peur, émotion, désir). Même si certains termes sont précis : la crête de dindon, le bouton (sans qu’on sache très bien s’il s’agit de fleur, de col de chemise ou d’acné), et d’autres très vagues et généraux : la rididine, le croucougno­ux, le croximagoi­n, la cuisine, le zinzin, ils montrent presque tous comment le mâle considère ce trou chéri. C’est un point de vue qui se révèle, du haut de la motte, sur la vallée de Chevreuse. On se glisse dans la brèche, prend le corridor, cogne contre l’enclume, on fait péter le joint de culasse, on s’enfile dans l’entonnoir, dans le fourre-tout et on se fait prendre dans le gaufrier et le piège à flageolets, dans le croque-monsieur et le goulu, on est prisonnier dans la cage ; on est aspiré par la ventouse, ou cuit dans le chaudron, on se fait broyer dans cet étau ou par ce casse-noix, griller dans ce buisson-ardent. Mais aussi, on voyage dans le pays-bas, on adore ce trésor, ce temple, cette urne, on prie devant cette rosace, dans la chapelle ardente, mais on veut y aller, dans le but d’amour. Pourtant, on tombe dans la trappe ou dans le cratère, on perd tout ce qu’on a dans la tirelire, le vide-poches, le porte-monnaie à moustache ; alors, on dévore la palourde, l’huître, la moule, la crevette, la gaufrette, l’escalope, la framboise, l’amande, la fève, la figue. La couture, c’est un abricot, un as de pique, un bijou, un anneau, un blason, une étoile de mer : chose centrale et symétrique, toujours mi-partie, comme on dit en héraldique : un coeur fendu, une cicatrice, un bifteck à charnière, une raie d’en bas, un entre-deux, une fendasse, une bouche du mitan. L’épouvantab­le épilation, qui montre l’étalage, ferait oublier le barbu, le bonnet du grenadier, le gracieux angora, la cressonniè­re, le chignon, la tarte aux poils, le joli bouquet de persil et la si simple tou e? On ne verra plus qu’un baveux, un lamentable bénitier, un lac, une cracouilla­sse, une chaglate, un machin ? C’est si con, tout cela.

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