“CHEVÈNEMENT PEUT RASSURER”
Y a-t-il un lien direct entre fonds étrangers et radicalisation ? Non, le lien n’a rien d’automatique. Le budget d’investissement donné pour la construction n’implique pas nécessairement le contrôle des responsables associatifs. En revanche, ces financements étrangers freinent la responsabilisation des fidèles dans la prise en charge de leur culte. D’autre part, l’exportation d’un modèle socioculturel et religieux, qui est le problème sous-jacent que souhaite contrer le gouvernement, ne passe pas forcément et pas uniquement à travers les mosquées. Le modèle qatari, par exemple, se fait bien plus de publicité grâce aux maillots du PSG. Comme le modèle américain grâce à Disneyland. Et les modèles de société religieuse qui nous posent problème du point de vue du vivreensemble sont bien plus fortement véhiculés par Al-Jazeera : on est la télé qu’on regarde, comme dit Régis Debray. L’idée d’une taxe halal, sur le modèle de la taxe sur les produits casher, pour financer l’islam de France, est-elle une solution ? C’est une des pistes qui est évoquée depuis la création du Conseil français du Culte musulman (CFCM). Sauf que la réorganisation de l’agrément halal soulève plusieurs problèmes techniques, dont le premier est qu’il faudrait que les trois grandes mosquées qui possèdent le monopole de la désignation des sacrificateurs (Paris, Evry, Lyon) acceptent de le perdre pour le confier à une autorité unique, ou qu’elles aient la volonté de mettre les fonds recueillis en commun pour la gestion du culte. Or, pour le moment, on en est loin. Se poserait en outre la question de savoir si cette taxe serait déduite ou s’ajouterait au prix de base du produit. Car cela pourrait avoir un effet sur toute la filière carnée. Quelles chances de réussite pour la Fondation pour l’Islam de France, que devrait diriger Jean-Pierre Chevènement ? J’avais moi-même contribué à la rédaction des statuts de la précédente fondation. En confier l’entière responsabilité aux seules fédérations musulmanes s’est révélé être une erreur. Elles n’ont pas su se mettre d’accord. C’est ce blocage qui amène le projet d’une nouvelle structure. Ses statuts restent encore à définir. Jean-Pierre Chevènement possède de nombreuses qualités pour la diriger. Il suit le dossier depuis très longtemps, il connaît les responsables associatifs musulmans, il est à même de rassurer et la société française, qui voit en lui un républicain laïque incontestable, et le monde musulman qui l’apprécie, notamment pour son « non » à la guerre du Golfe.