Bill chez la reine
DES CORNFLAKES DANS LE PORRIDGE, PAR BILL BRYSON, TRADUIT DE L’ANGLAIS PAR HÉLÈNE HINFRAY, PAYOT, 350 P., 21 EUROS.
Il a beau être né dans l’Iowa, Bill Bryson a dû être humoriste dans une vie antérieure. Si les Américains ont été naturellement la cible de ses livres de sociologie rigolote, Bryson a exporté son regard délicieusement ironique au Royaume-Uni, où il a longtemps vécu. C’est en 1973 que, arrivant tardivement de Calais, il pose pour la première fois le pied à Douvres, avec la ferme intention de prendre le premier train pour Londres. Las ! Bryson n’allait pas tarder à découvrir qu’en Angleterre gares et pubs étaient alors hermétiquement fermés, le soir venu. Sa première nuit au pays du thé brûlant, c’est dans un Abribus qu’il la passera, livré au brouillard et au crachin anglais. Pourquoi Bryson s’est-il à ce point amouraché des Britanniques qu’il fit de Londres son camp de base, dans les années 1980 ? Sans doute qu’il se sentait, dans la capitale de l’humour, en terrain de connaissance. Il y travaillait aussi : Bryson avait déniché un job de correcteur au service Actualités des entreprises du « Times ». La presse britannique était encore « un monde merveilleux », se souvient Bryson : on arrivait au boulot vers 14h30 et on se tournait les pouces en buvant du thé jusqu’en début de soirée – quand les journalistes revenaient de reportage avec du pain sur la planche. On révisait la copie pendant une heure ou deux, avant de se retrouver au pub d’en face, le Blue Lion. Fin de la journée.
Autant dire que Bill passa un sale quart d’heure lorsque sa femme et ses enfants lui annoncèrent un jour qu’ils ne désiraient rien tant que retourner vivre aux Etats-Unis. Bryson, séparé de sa chère île ! Avant de la quitter, l’écrivain-voyageur exigea cependant de pouvoir réaliser son rêve le plus cher : en faire le tour à pied. C’est ce périple qu’il raconte dans « Des cornflakes dans le porridge », où rien de comique, de Douvres à Edimbourg, n’échappe à son radar bienveillant. « L’un des charmes des Britanniques, c’est qu’ils n’ont pas conscience de leurs propres vertus, et cela s’applique particulièrement à leur capacité au bonheur. » De toutes les nations, l’anglaise est, selon Bryson, la plus encline à se réjouir des plus infimes plaisirs de la vie. C’est sans doute, dit-il, pourquoi leurs friandises, des crumpets aux sablés de Shrewsbury, n’ont pas de goût. Quand on leur propose des choses vraiment exquises, ils en picorent une miette à toute vitesse, l’air de pactiser avec Satan, ajoutant : « Oh vraiment, je ne devrais pas ! » Et de rougir jusqu’aux oreilles, comme s’ils avaient mangé la reine d’Angleterre…