L'Obs

L’Hotte à la saumuroise

UN CENTAURE AU CRÉPUSCULE, PAR NICOLAS CHAUDUN, 182 P., ACTES SUD, 19 EUROS.

- JÉRÔME GARCIN

C’est à lui qu’on doit la fameuse devise, fût-elle inversée avec le temps, du Cadre noir de Saumur, dont il fut le 8e écuyer en chef : « Calme, en avant, droit. » C’est à lui aussi qu’on doit l’usage du trot enlevé, dit « à l’anglaise ». Elève du vicomte d’Aure et disciple de François Baucher, autrement dit débiteur et unificateu­r des deux plus grands rivaux de l’équitation française, le général Alexis L’Hotte (1825-1904) servit sous Charles X, Louis-Philippe, Napoléon III et quelques présidents de la République. C’est dire combien le cavalier était souple et le militaire obéissant, au point de réprimer, sans état d’âme, avec le 6e Lanciers, l’insurrecti­on de la Commune. La vérité est qu’il ne s’intéressai­t qu’à ses chevaux, et n’en descendait que pour consigner, à la plume d’oie, ses impression­s de manège. Il les monta jusqu’à sa mort et galopa ensuite dans l’obscurité de cet art éphémère, d’où Nicolas Chaudun le tire aujourd’hui avec ce livre aussi brillant et rebondissa­nt qu’un beau pia er. Mieux qu’une biographie, c’est le portrait en pied d’un écuyer paradoxal, gracieux et militaire, élégant et austère, silencieux avec les hommes et bavard avec ses montures, déplaisant avec ses contempora­ins, mais émouvant lorsqu’il prête sa plume au vieux Baucher, et passant plus de temps à « fixer les doigts sur des rênes demi-tendres » que sur les femmes… des autres. Le même voua sa vie au « bienêtre » des chevaux et exigea, dans son testament, que, après sa mort, les trois siens, « pour leur épargner la déchéance », fussent abattus d’une balle de revolver. Même cette dernière et barbare volonté, l’excellent Nicolas Chaudun semble, sinon l’excuser, du moins la comprendre.

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Alexis L’Hotte en 1886.

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