Le rescapé de Mers el-Kébir
RIEN QUE LA MER, PAR ANNICK GEILLE, LA GRANDE OURSE, 240 P., 19 EUROS.
Deux récits alternent en hélice. Le premier : une femme qui poireaute dans une salle à manger d’hôtel. Son mari s’est absenté alors qu’ils venaient de s’attabler. Au bout d’un moment, le chef de rang s’avance, tout embarrassé : le mari a pris ses cliques et ses claques. Et lui fait dire qu’il ne reviendra jamais. Pan ! Touchée à mort. Un peu comme nos navires de guerre qui mouillaient à Mers el-Kébir, coulés le 3 juillet 1940 par les Anglais parce qu’ils refusaient de rejoindre leur flotte. Que vient faire là ce tragique épisode de la Seconde Guerre mondiale (près de 1 300 morts français) ? Eh bien, Francis Le Quellec, le héros du second récit, est un rescapé de l’hécatombe. Et la femme abandonnée est sa fille. On peut regretter qu’Annick Geille épouse sans restriction la rancoeur de la Royale contre la « perfide Albion ». C’est oublier que la France avait signé avec l’Allemagne une paix séparée contraire à ses engagements. Et que Churchill craignait que Hitler ne s’emparât de nos vaisseaux. Par ailleurs, le récit est plein de sensibilité. On admire le savoir de l’auteur, aussi à l’aise dans le vocabulaire marin qu’un poisson dans l’eau.