Cattelan met Hitler à genoux
NOT AFRAID OF LOVE. MAURIZIO CATTELAN. JUSQU’AU 8 JANVIER, MONNAIE DE PARIS, RENS. : WWW.MONNAIEDEPARIS.FR
Il est couché sur le flanc et tente de se relever en prenant appui sur sa férule. Mais la tâche paraît difficile : ses hanches sont bloquées par une grosse météorite. Cette oeuvre, toujours présentée dans une salle dont le sol est recouvert d’un tapis entièrement rouge, montre le pape Jean-Paul II revêtu d’une soutane blanche. Elle a été réalisée en 1999 par l’artiste italien Maurizio Cattelan qui a utilisé pour sa confection de la résine polyester, des cheveux naturels, du tissu, divers accessoires ainsi qu’une pierre. Exposée à Varsovie en 2000, cette sculpture provoqua un scandale d’autant plus exacerbé que Jean-Paul II était encore vivant. Des responsables politiques suggérèrent que le souverain pontife fût au moins remis debout. En vain. Celui-ci demeura allongé. Peu de temps après, l’un des exemplaires de cette « Nona Ora » (allusion à la neuvième heure, lorsque le Christ crucifié s’adresse au ciel pour demander : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? ») fut vendu pour plus de 2 millions de dollars en vente publique. Aujourd’hui, l’odeur du scandale s’est atténuée, mais l’oeuvre garde son impact, image d’un pouvoir religieux malmené, frappé par la colère divine.
Maurizio Cattelan a participé à la mise en scène et aux choix de la quinzaine d’oeuvres de cette exposition. La plupart sont bien connues des amateurs d’art contemporain, mais c’est la première fois qu’un tel ensemble est réuni à Paris. Pas de surprise donc dans ce petit théâtre du monde mais des pièces emblématiques comme sa célèbre « Ballade Trotsky » (un cheval suspendu au plafond), son « Charlie Don’t Surf » (un écolier dont les mains sont clouées à son pupitre par des crayons) ou son impressionnant mausolée (« All », neuf gisants dans leur linceul, sculptés dans le marbre). Cattelan se met aussi en scène, faisant surgir sa tête (une réplique en résine) du plancher, comme s’il en avait percé les lattes. En fin de parcours, dans une petite pièce, « Him » tourne le dos au visiteur. Revêtu d’un costume en tweed, le petit personnage est agenouillé, comme s’il priait. En le contournant on découvre son visage : c’est Hitler. Un type soudain presque ordinaire. S’adresse-t-il à un Dieu? Demande-t-il l’absolution de ses crimes? Cattelan, comme toujours, n’esquisse aucune réponse. A nous de la trouver ou de l’imaginer. A supposer qu’elle existe.