“Je suis insensible à la calomnie”
Alors que le feuilleton JUDICIAIRE dans lequel il a été impliqué vient de s’achever, LE PHOTOGRAPHE publie deux nouveaux livres. Rencontre à son domicile parisien
Son atelier est un véritable foutoir, encombré de pots de peintures, de crayons, de feutres, de pinceaux, de feuilles de papier maculées de couleur, de photographies : dans cette grande pièce où il nous reçoit, FrançoisMarie Banier a choisi la sobriété. Comme ses photographies accrochées aux murs, il apparaît en noir (mocassins, pantalon de velours, veste en laine) et blanc (la chemise). Son adresse n’a pas changé : toujours ce bel hôtel particulier du quartier Saint-Sulpice, à Paris. La conversation à peine entamée, il veut nous montrer ses archives. Nous irons plus tard découvrir cet antre climatisé, protégé par une porte blindée, où il entrepose ses négatifs et ses contacts. « J’ai pris près d’un million de photographies », dit-il. Ecrivain, peintre, dessinateur, il a fréquenté Salvador Dalí, Yves Saint Laurent, Isabelle Adjani, Louis Aragon, Marie-Laure de Noailles, Silvana Mangano, Vladimir Horowitz. Le photographe des stars ? Banier récuse : « Des conneries, tout ça ! C’est une part infime de mon travail. Moi je préfère aller dans la rue. Ce sont les vraies gens qui m’intéressent. » A 69 ans, il publie deux recueils de ses photos, galerie de portraits capturés au vol dans des lieux publics. A l’époque où ces images ont été prises, il vivait dans la tourmente de l’affaire Bettencourt. Une affaire à l’issue de laquelle il a été condamné en août 2016 pour « abus de faiblesse » commis au détriment de Liliane Bettencourt. Verdict : 375000 euros d’amende et quatre années de prison avec sursis. A-t-il vraiment changé après ce grand déballage en place publique ? Rusé, séducteur, encore grande gueule, il raconte. Vous avez les yeux un peu rouges, vous êtes fatigué? Si vous m’aviez vu hier soir ! Je me suis couché à 8 heures. J’avais l’air d’un furet qui vient d’être écrasé par un tracteur. Vous prenez un risque en vous comparant à cet animal. A cause de la chanson « il court, il court » ? Cet animal est redoutable. On l’utilise pour chasser les lapins mais si on ne lui mettait pas une muselière avant qu’il pénètre dans leur terrier, il serait capable de les égorger… L’image ne me déplaît pas. Mais je l’applique à la littérature. Si je me suis mis au lit aussi tôt hier, c’est parce que je peinais sur un passage du roman que je suis en train d’écrire. J’ai dormi une demi-heure, et en me réveillant, hop, j’ai écrit huit feuillets. C’est ainsi, il faut savoir saisir sa proie, les phrases qui vous échappent, que vous ne parvenez pas à fixer. Vous parlez d’un roman dans « Imprudences ». Sur l’une des photographies, prise en avril 2014 au coin de la rue Daguerre, dans le 14e arrondissement de Paris, vous écrivez : « Maintenant que j’ai fini mon roman je pensais ne plus écrire. » C’est le même roman dont il s’agit? Oui. Je suis en train de le réécrire. Mais il y a du travail [NDLR : il désigne une vingtaine de boîtes de rangement, empilées dans un coin de son atelier]. J’ai rédigé des milliers de pages, je dois maintenant les reprendre. Je vais faire comme Colette, je procéderai chapitre après chapitre. Vous n’avez rien publié depuis plusieurs années. Vous avez décidé d’appuyer sur pause? Comme vous le savez, j’ai été mêlé à une histoire un peu bizarre. Bizarre, pourquoi ce mot? Regardez l’affaire d’Outreau, c’est quand même à tomber par terre quand on voit ce qui s’y est passé. Et l’affaire d’Omar Raddad, ce jardinier marocain qui a passé quinze ans en prison. Chirac a fini par le gracier. Et là, il semble y avoir de nouveaux développements. Les deux affaires que vous citez n’ont pas grand rapport avec la vôtre. D’autre part, la justice vous a été parfois favorable. En 2011, vous avez remporté deux procès contre des femmes qui s’opposaient à la publication de leurs portraits, pris par vous à leur insu et publiés dans votre livre « Perdre la tête ». Le tribunal a estimé que les images incriminées ne portaient pas atteinte à la dignité des personnes et il a même estimé que je traitais mes sujets « avec respect et tendresse ». Ce jugement est aujourd’hui très utile pour tous les photographes.