L'Obs

Vaclav Havel, ce héros

- JACQUES NERSON

“AUDIENCE” ET “VERNISSAGE”, DE VACLAV HAVEL. JUSQU’AU 31 DÉCEMBRE, ARTISTIC THÉÂTRE, PARIS-11E, 01-43-56-38-32.

De 1989 (fin du communisme en Tchécoslov­aquie) jusqu’en 2003, excepté le bref entracte de la partition du pays, les Tchèques et les Slovaques, puis les seuls Tchèques ont eu la chance inapprécia­ble d’avoir Vaclav Havel pour président. Cet auteur dramatique qui fut la voix de ses compatriot­es bâillonnés avait chèrement payé sa dissidence: boycott de ses pièces, emploi de manutentio­nnaire dans une brasserie et cinq ans de prison qui ruinèrent sa santé. Mais rien ne lui était plus étranger que la vengeance. La « révolution de velours » dont il fut l’inspirateu­r n’a pas fait couler le sang. Cette douceur a déteint sur son oeuvre. Notamment dans « Audience », pièce en un acte jadis créée chez nous par Stephan Meldegg en même temps que « Vernissage ». Le dramaturge Ferdinand Vanek, un double de Havel, se voit comme lui condamné à travailler dans une brasserie. Sladek, son chef, le convoque dans son bureau. Tout en si ant une quantité industriel­le de canettes de bière, le brasseur aux manières paternes lui fait part de ses soucis. La police lui demande d’espionner le relégué mais il ne trouve rien à moucharder. Si Vanek lui fournit de quoi étayer son rapport, il lui promet de l’employer à la comptabili­té, bien au chaud, plutôt que de lui faire rouler des fûts en plein air. Cédric Colas (Vanek) et Stéphane Fiévet (Sladek) ne sont pas aussi époustoufl­ants que Pierre Arditi et Victor Garrivier en 1979, mais la mise en scène d’Anne-Marie Lazarini préserve l’humour et l’humanité de la pièce. Car Havel plaint plus Sladek qu’il ne le blâme. Même pitié dans « Vernissage », où l’on retrouve Vanek, confronté cette fois à un couple d’amis, Véra et Michaël (Frédérique Lazarini et Marc Schapira), qui se consolent de la dictature en jouissant de leur confort matériel et voudraient faire rentrer l’irréductib­le dans le rang. Anne-Marie Lazarini a tort d’en faire des grotesques : où est pour Vanek le mérite de résister à des fantoches? Malgré cela, le spectacle vaut le détour. Ne fût-ce qu’en mémoire de Havel qui s’était fait tirer l’oreille pour accepter la présidence et fut – ceci explique-t-il cela ? – un homme vraiment providenti­el pour la Tchéquie.

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Stéphane Fiévet et Cédric Colas dans « Audience ».

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