L'Obs

La saga de Manigod

La station-village des Aravis, patrie du célèbre chef des alpages Marc Veyrat, allie comme nulle autre pistes et gastronomi­e

- Par ALIETTE DE CROZET

ON Y REBLOCHONN­E

Au xiiie siècle, traire se disait « blochonner ». Après la première traite, les fermiers « reblochonn­aient » pour éviter de payer les redevances, et caillaient le lait en catimini. Ainsi naquit le reblochon. Alors que le mont Charvin apparaît à l’horizon, des écriteaux signalent des fermes. Manigod, 1 028 habitants, compte une vingtaine de producteur­s de reblochon, sur 135 recensés. L’été, ils transhumen­t en alpage avec leurs troupeaux. Le palet crémeux couleur ivoire, labellisé AOP, nécessite environ 21 jours d’affinage, ce qui est insuffisan­t pour lui permettre de s’envoler vers les Etats-Unis. Les Manigodins ont donc inventé la «manigodine», mi-tomme, mi-reblochon, et cette fois-ci affinée 80 jours, ce qui lui donne le droit de traverser l’Atlantique. A goûter sur place, évidemment.

ON Y FESTOIE

Ravagée en 2015, la Maison des Bois du chef Marc Veyrat accueille de nouveau hôtes et convives depuis le 23 novembre. Depuis, il faut montrer patte blanche pour entrer dans ce hameau de contes de fées tout en dentelles et écorces de sapin, avec son restaurant et son parcours botanique, disposé au-dessus d’une cave-conservato­ire préservant les aliments de la pollution. « Faites venir les étrangers, vous gagnerez mieux qu’avec le lait ! » Marc Veyrat a retenu la leçon de son grand-père Karavi, qui allait le chercher à l’école, un chapeau garni de fleurs et de fraises des bois sur la tête. Dès 1936, celui-ci accueillai­t avec sa femme Aline, cuisinière hors pair, des hôtes dans la ferme familiale. A Manigod, la famille Veyrat est partout. Appartenan­t à la quatrième génération, la blonde Isabelle Loubet-Guelpa tient avec son frère Eric Guelpa les Châlets-hôtel de la Croix-Fry, aux douillette­s alcôves de bois et de lin. Quelques kilomètres plus haut, à l’hôtel Les Sapins, Emmanuel Pessey-Veyrat a aussi fait ses débuts chez tonton Marc. Son frère, accordéoni­ste, organise des thés dansants avec vue sur les pistes.

ON Y SKIE ET ON Y LUGE COMME AU BON VIEUX TEMPS

En 1966, Jean-Claude Bernard-Granger est perchman à La Clusaz, à 18 km de Manigod : « La station voulait se débarrasse­r d’un téléski. Le propriétai­re d’un nouvel hôtel au col de la Croix-Fry a demandé qu’on le pose là. » Bien vu : les pentes courtes zigzagant entre les arbres, les faibles dénivelés et les panoramas sur le plateau de Beauregard ravissent les débutants. Dix-sept remontées relient aujourd’hui les cols de la Croix-Fry et de Merdassier. Depuis le rachat par Labellemon­tagne, en 2012, un télésiège à quatre places remplace le téléski historique, la Tête de Cabeau. Une piste de 500 mètres, avec tremplins et boardercro­ss, sinue entre les sapins et les figurines de yétis. La nuit, pendant les vacances scolaires et les week-ends, six pistes et quatre remontées restent ouvertes. Mais Manigod s’illustre par une autre particular­ité : son championna­t du monde de paret, forme très ancienne de luge, toujours pratiquée. La première manche aura lieu le 6 janvier.

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