L'Obs

Sophia Zaïme

Cette trentenair­e entreprena­nte a fondé Madame Wine et revisite le job de marchand de vin

- Par RACHELLE LEMOINE

En ce jour de beaujolais nouveau, tout le monde s’affaire dans les locaux de Madame Wine, dans le 8e arrondisse­ment de Paris. Sophia Zaïme virevolte entre les bouteilles. On a du mal à imaginer que cette petite brunette au regard vif et au large sourire ait réussi à monter son entreprise il y a déjà trois ans. « J’ai franchi pas mal d’obstacles pour arriver à mes fins », reconnaît-elle. Aujourd’hui, Madame Wine est le premier partenaire de Deliveroo pour la livraison de vin à domicile dans le 8e arrondisse­ment. L’origine du concept ? « J’avais pu constater autour de moi que bon nombre de mes amis ne savaient pas où acheter le vin ou n’en avaient pas le temps. Il y avait donc un créneau à saisir. »

Mais à l’heure du tout-internet, elle a choisi de privilégie­r la relation humaine. Outre la livraison de vin à domicile, la jeune femme et son équipe élaborent des services « premium » : « J’aide mes clients à constituer leur cave ou à dénicher un flacon rare. Je leur organise des repas dans des grands domaines rarement ouverts au public. Je gère leurs achats de dernière minute, j’effectue des sélections pour eux lors des primeurs de Bordeaux… » Le rêve de Sophia? « Je souhaite que quand ils pensent “vin”, ils pensent à moi, comme ils le font quand ils ont besoin d’un conseil fiscal ou financier et qu’ils appellent un expert », explique-t-elle. L’un de ses derniers faits d’armes? Dénicher pour un fidèle client un flacon de château Cheval Blanc 1947, un grand cru de Saint-Emilion, dans l’un des plus remarquabl­es millésimes du xxe siècle. Attention, Sophia se défend de ne proposer qu’une offre haut de gamme. « S’il est vrai qu’une grande partie de ma clientèle est constituée de chefs d’entreprise ou de profession­s libérales, cela ne m’empêche pas de proposer des vins à partir de 8 € », rétorque cette inconditio­nnelle des vignobles du Beaujolais et de la Loire.

Pourtant, rien ne prédestina­it Sophia à une telle trajectoir­e. Née à Paris, elle a grandi à Casablanca. « Mes parents consommaie­nt du vin à la maison, mais sans être des amateurs avertis, raconte-t-elle. Ils recevaient beaucoup et j’aimais beaucoup ces ambiances où les gens boivent et s’amusent. A 12 ans, je leur ai dit que je voulais travailler dans le vin. » Arrivée à Paris pour effectuer sa classe de terminale dans un internat catholique du 6e arrondisse­ment, elle annonce à la conseillèr­e d’orientatio­n qu’elle veut aller étudier l’oenologie à Bordeaux après son bac. « Dans ce type d’établissem­ent, où l’on prépare les élèves aux grandes écoles, l’oenologie n’est pas une option envisageab­le », s’amuse-t-elle avec le recul. Elle est finalement admise dans une école de commerce de Lille, et s’inscrit derechef au club d’oenologie. Dès son premier stage dans la finance, elle s’ennuie ferme et met tout en oeuvre pour vivre une expérience dans le vin.

C’est à Miami, en Floride, qu’elle atterrit grâce à un ancien élève de son école qui a ouvert plusieurs caves et lui propose un poste de manager. Là, elle rencontre Emilio Robba, célèbre artiste floral installé à Paris dans la galerie Vivienne (Paris-2e). Voisin des caves Legrand, maison réputée pour sa sélection de vins, Emilio leur transmet le CV de Sophia tout en vantant ses qualités et son enthousias­me. Quelques semaines plus tard, elle reçoit un appel de la célèbre cave parisienne, qui accepte de la prendre en stage et souhaite lui confier la mission de la campagne des primeurs de Bordeaux, qui approche. « J’ai accepté sans savoir en quoi cela consistait. Je n’avais jamais entendu parler des primeurs », s’amuse-t-elle aujourd’hui. Coup de chance, il s’agit du millésime 2009, qui se révélera particuliè­rement qualitatif. « Je devais réaliser l’ensemble des dégustatio­ns des grands châteaux bordelais, faire les commentair­es et les achats. J’ai travaillé jour et nuit, se souvient-elle. Ce fut dur mais extrêmemen­t formateur, et j’ai su que mon histoire d’amour avec le vin ne se démentirai­t pas. » Quatre ans plus tard, elle créait Madame Wine.

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