UN SÉGUINISTE “NON ALIGNÉ”
On lui avait posé la question il y a plusieurs années : « Au fond, vous n’êtes pas un séguiniste de stricte obédience ? » Alors président de la région Pays de la Loire, François Fillon avait souri. De fait, s’il a suivi, dès 1982, Philippe Séguin dans tous ses combats, et notamment celui contre le traité de Maastricht en 1992, Fillon n’a jamais été totalement aligné sur la doxa de son mentor. Il lui restera fidèle jusqu’au bout, impressionné par sa « puissance intellectuelle », son « sens de l’Histoire » et surtout, confie-t-il alors au « Nouvel Observateur », sa « capacité à remettre les événements en perspective ». Mais, dès leur rencontre, il se distingue de lui. Au début des années 1980, Fillon est favorable à une armée de métier contre l’avis de Séguin, attaché à la conscription, qui s’en étrangle. Le député-maire d’Epinal ne pardonnera d’ailleurs jamais à Chirac d’avoir mis cette réforme en oeuvre. Entre 1993 et 1995, Fillon, alors ministre de l’Enseignement supérieur, soutient Edouard Balladur. Séguin, lui, soutient Chirac et dénonce le « Munich social » que constitue selon lui la politique du gouvernement Balladur. Séguin est un vrai gaulliste social tandis que Fillon est depuis longtemps plus libéral. Lorsqu’il deviendra ministre des Télécommunications, Fillon devra plaider longtemps pour convaincre Séguin de la nécessité de privatiser France Télécom. Enfin, en vrai jacobin, Séguin demeurera un départementaliste convaincu, alors que Fillon, plus girondin, devient régionaliste. Son étiquette « séguiniste » a beaucoup servi François Fillon, longtemps perçu comme le clone de son champion sur le plan idéologique. Depuis deux ans, la déclinaison de son projet a contribué à dissiper les ambiguïtés.