Boycottons (provisoirement) Amazon !
En préambule : Amazon est un e-commerçant performant, qui met à juste titre la satisfaction client au coeur de ses préoccupations.
Le problème est son manque de citoyenneté fiscale, qui se cache derrière une stratégie délibérée et très élaborée de minimisation des profits en France via différents mécanismes. La créativité des fiscalistes d’Amazon est sans limite pour payer moins d’impôts : localisation de l’entité de facturation quand c’est possible dans des pays à fiscalité réduite comme le Luxembourg, paiement de royalties là où c’est avantageux, subventions déguisées entre activités…
Est-ce grave ? Oui. Moins d’impôts payés en France, cela veut dire moins de professeurs, de policiers, de juges, de professionnels de santé, de services publics, de solidarité... C’est l’avenir de notre modèle social qui est en jeu, car le chiffre d’affaires d’Amazon [3 à 4 milliards d’euros en France, en croissance de plus de 20% par an, NDLR], ce sont des volumes perdus par d’autres distributeurs français qui, eux, paient tous leurs impôts dans l’Hexagone.
Amazon est d’un cynisme confondant : approche fiscalement agressive pour gagner des parts de marché, puis position plus vertueuse quand les concurrents ont été balayés ou que la pression politique devient plus forte. Discours huilé vis-à-vis des médias, insistant sur les créations d’emplois brutes de l’entreprise, en omettant évidemment de chiffrer les destructions d’emplois nettes massives chez les concurrents.
On pourrait arguer que la loi du marché s’impose. Mais cette importante distorsion fiscale crée une situation de concurrence déloyale vis-à-vis du reste de la distribution française, qui emploie un million de personnes. Si on ne résiste pas à Amazon, la distribution connaîtra au xxie siècle le même sort que la sidérurgie du xxe siècle...
Nous touchons ici à la caricature d’un système qui dysfonctionne : cynisme des multinationales, manque de solidarité de certains pays européens qui maximisent leurs recettes en faisant du dumping fiscal aux dépens de leurs voisins de l’UE, lâcheté et incompétence des élus qui ne défendent pas l’intérêt national.
Il y a pourtant des solutions : contraindre Amazon et autres GAFA [acronyme de Google, Apple, Facebook et Amazon, NDLR] à arrêter de tricher en s’abritant derrière un commode et lâche « on ne fait rien de mal, c’est la faute aux Etats ». Les contraindre toujours à rembourser jusqu’au dernier centime les sommes sciemment détournées des caisses de l’Etat français. Arrêtons d’être naïfs : forçons-les à jouer avec les règles garantissant une concurrence loyale.
Le propos n’est pas de s’opposer à l’évolution inéluctable de la distribution, mais de fixer un cadre qui accompagne cette évolution en dehors de la brutale loi du marché, dictée par certaines multinationales. Ces dernières sont pragmatiques : elles ne quitteront pas pour autant le marché français, extrêmement attractif. Il faut apprendre à se faire respecter d’elles afin qu’elles opèrent en France avec nos règles du jeu.
La question sous-jacente que l’on doit se poser est la suivante : sachant qu’internet permet (même si on paye tous ses impôts) de vendre moins cher qu’en boutique et avec moins de salariés, veut-on privilégier l’emploi ou bien le pouvoir d’achat ? Avec six millions de chômeurs, je pense que le choix est clair, mais c’est aux politiques de poser le débat. Soit on choisit la baisse des prix en laissant Amazon tout ravager, ce qui induira des destructions massives d’emploi (ce qui s’est passé dans le disque, qui n’a pas été aidé non plus par le piratage et la dématérialisation). Soit on choisit d’accompagner cette transition inéluctable vers la digitalisation des échanges marchands, mais en préservant autant que possible les jobs (ce qui s’est passé dans le livre, où la mise en place du prix unique a permis aux libraires de résister).
A court terme, défendons notre pays en boycottant Amazon tant qu’ils ne seront pas à jour fiscalement. Et achetons chez les e-commerçants et distributeurs exemplaires fiscalement et socialement comme Sarenza, Fnac, LDLC.com et d’autres.
Une multinationale ne comprend que le rapport de force : alors, votez avec votre souris !