“PAIX SANS VICTOIRE, C’EST CHAMEAU SANS BOSSES…”
En février Bergson part en mission aux Etats-Unis, en avril Freud se désole d’avoir raté le Nobel, en juillet Proust assiste à une attaque aérienne depuis le balcon du Ritz. L’année 1917 vue par les grands écrivains
Cuverville, Normandie. 18 JANVIER, « Toby est mort hier soir, note André Gide dans son Journal. Je viens d’écrire au charcutier de Criquetot, qui, depuis la mobilisation, fait office de vétérinaire, de venir avec les instruments pour l’ouvrir. » Toby était un chien –« le plus neurasthénique qu’il fût possible d’imaginer ».
Paris. Les puissances de JANVIER, l’Entente repoussent la proposition du président Wilson, selon laquelle « la paix doit être une paix sans victoire ». Affligé par la « volonté crispée des militaires », Anatole France écrit à un ami acharné à la poursuite de la guerre une lettre où enrage une ironie antibelliciste: « Je repousse avec indignation la paix sans victoire. Paix sans victoire, est-ce contentement? Paix sans victoire, c’est pain sans levain, civet sans vin, bar sans câpres, cèpes sans ail, amour sans querelles, chameau sans bosses, nuit sans lune, toit sans fumée, ville sans bordel, porc sans sel, perle sans trou, rose sans parfum, république sans dilapidations, gigot sans manche, chat sans poil, andouille sans moutarde. [Ce n’est pas même] une paix boiteuse, claudicante et béquillante, mais une paix cul-de-jatte, qui mettra une fesse sur chaque parti, une paix dégoûtante, fétide, ignominieuse, obscène, fistuleuse, hémorroïdale, et pour tout dire,